Nous sommes très nombreux en Afrique du Sud à avoir été victimes de forfaits, souvent avec violence. Dans ce climat de tension, nous essayons à grands frais de protéger nos proches et nos biens. Mais nous restons extrêmement vulnérables aux attaques de ceux qui sont prêts à s’emparer de nos possessions et attenter à nos vies. Ayant été moi-même victime, je me suis demandé à quoi ressemblaient ceux qui agissaient ainsi. Étaient-ils des monstres ? Des gens ordinaires ? Pourraient-ils être mes enfants ? Sont-ils comme vous et moi ? Je voulais faire parler les statistiques, en rencontrer certains en tant que simples individus, faire leur portrait, connaître leurs vies.
Mais qui photographier ? Je ne voulais pas de prisonniers en prison. Je voulais les rencontrer dans leur statut d’individu ordinaire, comme dans la rue ou au supermarché. Je suis donc allé voir ceux qui avaient commis ces crimes ou qu’on accusait. Ceux qui avaient fait de la prison, en étaient sortis ou étaient en liberté conditionnelle.
Où les photographier ? Je voulais faire ces portraits dans un contexte qui soit en lien avec ce qu’ils avaient fait ou avec ce dont on les accusait. Pour moi, la scène du crime était a priori un lieu d’une importance toute particulière. Nul doute que s’y étaient déroulés des événements qui avaient changé le cours de la vie des victimes comme des criminels. D’où ces photographies et les récits qui les accompagnent. La plupart des protagonistes, souvent dans des circonstances difficiles et désespérées, essayaient de s’en sortir. C’est pourquoi je ne les appelle ni des criminels, ni des délinquants, mais des ex-délinquants. J’ai rétribué chacun d’eux à hauteur de 800 rands (environ 80 euros) et ils ont signé une décharge m’autorisant à publier et à exposer les photographies ainsi que le récit de leurs vies. Je mets chacun d’entre eux en garde : cette publication et cette exposition risquent plus tard de leur causer du tort, et je ne poursuis cette entreprise que s’ils ont parfaitement compris ce qu’ils sont en train de faire et qu’ils l’acceptent pleinement. Je m’engage à ne tirer aucun profit de ce travail. Toute recette, une fois déduite la commission de la galerie, ira à un organisme chargé de l’éducation et de la réinsertion des prisonniers.
David Goldblatt (South Africa)
Ex-Offenders
Commissaires: David Goldblatt and Michket Krifa