A l’occasion de l’exposition de Jean-François Joly à la Maison Européenne de la Photographie et de la publication de son livre Terres d’exil, nous publions la présentation de quelques livres abordant le thème des Roms.
Originaires des confins de l’Inde et du Pakistan, Tsiganes, Roms et Gitans sillonnent le monde depuis plus de mille ans. On les nomme, à tort, rétameurs, gens du voyage, ou même voleurs de poules. Leur nom est Roms, les membres d’une tribu qui a apporté en Europe une culture millénaire de tradition orale bien différente de la logique séquentielle et linéaire que l’écriture a imposée à la pensée des sédentaires vivant là. Leur nom évoque souvent des images de mystère, de danger, de répulsion et de dégoût. Ils ont été tourmentés, assassinés et rejetés, mais ils ont poursuivi avec ténacité leurs traditions. Loin de se laisser enfermer par des frontières, les Roms sillonnent toujours les routes.
Chaque fois qu’un pays européen a de graves problèmes économiques ou politiques, les Roms, membres les plus faibles et les plus libres de la société, sont les premiers à en subir les effets. Le mot « Rrom » (homme en rromani) désigne les Tsiganes des pays de l’est. La reconnaissance de son usage en 1999 par les dispositions légales émanant du Conseil de l’Europe pour le respect des minorités nationales est une première victoire pour un peuple dont l’identité n’a cessé d’être bafouée. En 1993, la Roumanie avait interdit l’usage du mot Rrom.
LIVRES
Terres d’exil
Jean-François Joly
Filigranes Éditions, Trézélan (F), 2016.
Le livre reprend vingt-sept images noir et blanc réalisées par Jean-François Joly à travers l’Europe entre 1998 et 2013. Dans le prolongement de son travail sur les naufragés politiques, sociaux et ethniques, il s’est interrogé dans cette série sur la condition des Roms en Roumanie, au Kosovo, en Macédoine et en France. Il livre un témoignage puissant, parfois dérangeant, sur ces populations souvent marginalisées et stigmatisées, à travers une galerie de portraits qui rend toute leur dignité à ces exilés sans terre.
Gitans
Josef Koudelka
Textes de Robert Delpire et Willy Guy
Delpire, Paris, 2011 (M 2011 KOU)
Cette nouvelle version, imprimée en quadratone par Gerhard Steidl, compte 109 photos prises entre 1962 et 1971, sur une zone géographique plus étendue. Aux Cikánis (le mot tchèque pour Tsiganes) de l’ancienne Tchécoslovaquie s’ajoutent les Roms de Roumanie, de Hongrie, de France et d’Espagne. Josef Koudelka ne s’explique jamais, ne justifie rien. Il regarde avec rage. Les photos n’ont pas de légendes, seulement un lieu et une date. Elles parlent et le lecteur ne se lasse pas de regarder toujours plus pour découvrir un rictus, une ombre, un bras musclé, un tapis usé. La conception de ce volume revient aux intentions originales de l’artiste en se basant sur une maquette, à l’origine préparée en 1968 par Koudelka et le graphiste Milan Kopriva. Koudelka avait l’intention de publier son travail à Prague, mais il a été contraint de fuir la Tchécoslovaquie en 1971.
Tsiganes et Gitans
Hans Silvester
Texte de Jean-Paul Clébert
Éditions de La Martinière, Paris, 2011
Le contenu de cet ouvrage a déjà fait l’objet d’une publication en 1974.
De 1957 à 1973, Hans Silvester a partagé le quotidien des Tsiganes et Gitans d’Europe et d’Amérique du Nord. Il a partagé leur intimité. Il livre, à travers ses photos, un portrait humaniste d’un peuple souvent méconnu.
Le texte de l’écrivain Jean-Paul Clébert (auteur en 1954 de Paris insolite, un témoignage sur sa vie de clochard céleste), d’une rare modernité lors de sa publication, a été revu en veillant à n’en dénaturer ni le propos ni le contexte, celui d’une époque où les populations nomades souffraient du peu de considération de la part de leurs semblables sédentaires.
Les Gitans
Lucien Clergue
Textes de Jean Cocteau et Tony Gatlif
Marval, Paris, 1995
Dans les années 50, Lucien Clergue habitait le même quartier que les Gitans : la Roquette, à Arles. Les enfants jouaient dans la rue comme s’ils étaient chez eux. Photographe du Midi, il donne leur place aux Gitans, il les reconnaît comme faisant partie des gens de sa terre, rencontrant des familles de son quartier. Il découvre José Reyes, Manitas de Plata et les grands-parents des futurs Gypsy Kings. Le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer réunit tous les gitans d’Europe. Il a photographié année par année des familles venues de Paris, du nord et de l’Europe de l’Est.
Zingari a Palermo – Herdelesi e Santa Rosalia
Gianni Berengo Gardin
Texte de Nico Staiti
Peliti Associati, Rome, 1997
Ce livre est le produit du travail commun d’un photographe et d’un ethnologue. La photographie permet de restituer l’expression magico-rituelle d’une tradition orale renouvelée par la parabole TV, le téléphone cellulaire. Les Khorakhanès (Les lecteurs du Coran) sont des Roms musulmans originaires de Bosnie, du Kosovo et du Monténégro. Ils représentent le plus grand groupe de Roms étrangers présents en Italie. La migration a eu lieu à partir de la seconde moitié de 1991 jusqu’à l’été 1993, coïncidant avec l’aggravation de la guerre en ex-Yougoslavie. Le 6 mai, à Palerme et dans d’autres endroits du sud de l’Italie, ils célèbrent la fête de Herdelesi (la fête de l’agneau). La cérémonie la plus impressionnante du festival se déroule dans le secret, la nuit. Chaque père est le célébrant, les victimes sacrificielles ses enfants, qui sont symboliquement tués et montent vers une vie nouvelle, purifiée. L’ancienne culture des Roms et leur grande capacité de syncrétisme les conduit à incorporer dans un système ouvert mythique, le culte de Santa Rosalia.
Mathieu Pernot
Mathieu Pernot
Texte de Anna Malagrida
Centre National de la Photographie, Paris, 1997
Les images de Tsiganes originaires de Hongrie, vivant en caravanes et se déplaçant dans un faible rayon autour d’Arles, nous ramènent au constat parfois tragique de l’existence d’une communauté et de l’inéluctable poids de l’histoire à laquelle elle se trouve rattachée. La série des enfants jouant dans les trains est emblématique de cela. L’ensemble des photographies présentées dans le livre ne représente qu’une partie d’un projet dans lequel Mathieu Pernot s’est définitivement engagé.
Tsiganes 1995 – 1998
Mathieu Pernot
Textes de Mathieu Pernot, Christian Caujolle, Jean Louis Tornato, Anna Malagrida
Actes Sud, Arles, 1999
Jeune photographe Mathieu Pernot s’est lié d’amitié avec quelques familles tsiganes d’Arles. Au départ, sa démarche est uniquement photographique et il ne connaissait rien de la réalité et de la complexité de leur situation. « La vraie question était pour moi de savoir comment photographier cette minorité et quel pouvait être le sens de ce travail aujourd’hui ? » Au début, il ne faisait que des photos et, très vite, une famille lui a demandé de l’aide pour remplir des papiers, puis quelqu’un est tombé malade, il a fallu l’accompagner.
Tsiganes vagabondes des steppes
Lyalya Kouznetsova
Textes de Inge Morath, Lyalya Kouznetsova et Marina Rasbechkina
Éditions de La Martinière, Paris, 1998
Nomades enracinés dans une tradition ancestrale, malmenés par l’histoire, les Tsiganes de la steppe orientale sont méconnus du grand public. Lyalya Kouznetsova, photographe humaniste russe, a vécu quinze ans à leur contact. Son travail met en lumière leur quotidien, leurs rituels, leurs détresses et leurs espoirs. Grâce à des textes personnels et émouvants, cet ouvrage révèle un douloureux combat contre l’adversité sur fond de paysages désertés, de steppes glacées, et de campements de fortune… Les photographies documentaires et poétiques de Lyalya Kouznetsova montrent la résistance d’un peuple digne et fondamentalement libre.
Ciganos
Bruce Gilden
Textes de Pedro Carlos Bacelar De Vasconcelos et M. Tereza Siza
Centro Português de Fotografia, Porto, 1999
Répondant à une commande du Centro Português de Fotografia, Bruce Gilden a documenté le monde des Ciganos, les gitans du Portugal. Dans le livre, il utilise l’esthétique du noir et blanc, alors sa marque de fabrique, pour explorer leur dure vie quotidienne et exposer ce qui se cache derrière les visages souvent las de ses sujets. La séduction des images doit être comprise comme un défi dangereux. Nous reconnaissons dans ces images la complicité craintive du groupe contre « l’autre » et nous sentons que nous sommes cet « autre ». le Tsigane errant nous confronte à notre éternelle jalousie de sédentaire et à un sentiment de culpabilité aboutissant à une fascination magique.
Hermanovce. Four seasons with Roma
Jarret Schecter
Textes de Francesca Sorrenti, Jaroslav Skupnik, Jarret Schecter
Trolley, Londres, 2003
Jarret Schecter a cherché à restituer leur vie et la dépossession de la culture Rom en Europe. Après trois ans, il s’est concentré sur l’implantation de Hermanovce en Slovaquie Orientale. Pendant plus de quatre saisons, il a capté les manifestations de la faim et du désespoir, mais aussi la joie innée et la camaraderie des Roms. Les Roms vivent dans une société fortement hiérarchisée, similaire au système des castes en Inde. On est considéré zuzo (purs) ou degesh (impurs) et ne pas devenir impur est au centre de la vie spirituelle des Roms. Schecter décrit l’histoire d’amour et l’exclusion du groupe de Pupurka, entre une femme appartenant à un des groupes les moins prestigieux et Zabak, un garçon de la meilleure caste.
Eva Davidova
Eva Davidova
Textes de Anna Farova et Jana Horvathova
Torst, Prague, 2004 (collection FotoTorst N° 17)
Ethnologue, sociologue, historienne d’art et photographe, Eva Davidova est une des fondatrices de l’étude des Roms en Tchécoslovaquie. Depuis 1954, elle se consacre à l’étude systématique de leur vie en Bohème, Moravie et Slovaquie. Ses photographies forment un témoignage historique unique et une source fondamentale pour toute étude les concernant. Davidova, toujours humble envers son sujet, enregistre la réalité et pas une belle image d’une réalité inventée. Elle propose un aperçu bien documenté dans l’action, des récits et l’histoire récente des Gitans.
Another day of life in Romanipen
Johan Lundberg
Textes de Johan Lundberg et Olof Palme
Journal, Stockholm, 2005
Johan Lundberg, muni d’un dictionnaire romani-suédois, s’est rendu dans les Balkans entre 2002 et 2004 pour y photographier les Roms. Il a vécu pendant deux ans dans la région, passant d’une communauté rom à l’autre, passant de Grèce en Macédoine, en Albanie, au Monténégro, en Serbie et au Kosovo. Les photos passionnantes de ce volume témoignent de ses impressions d’un monde tout à fait à l’écart de la société.
The Roma Journeys
Joakim Eskildsen
Textes de Cia Rinne, Joakim Eskildsen, Günter Grass
Steidl Verlag, Göttingen, 2007
Entre 2000 et 2006, avec sa femme, Cia Rinne, Joakim Eskildsen a voyagé dans sept pays en vue de donner un aperçu de la vie des Roms et des conditions auxquelles ils font face. Pour les connaître, ils ont voulu vivre avec eux pendant un certain temps. Le travail a commencé par un séjour de quatre mois à Hevesaranyos en Hongrie, dans une maison recevant des Roms âgés. Les autres voyages en Roumanie, en Inde et en Finlande se sont faits par des contacts personnels. En Grèce et en Russie, ils ont été aidés par des organisations de droits de l’homme et, en France, par le Centre de recherches tsiganes à Paris. « Plus nous avons découvert les Roms et plus nous avons appris à les connaître, plus notre intérêt et notre empathie pour eux ont grandi. »
Blu
Cuny Janssen
Textes de Ferdinando Brandi, Gabriele Conrath Scholl, Patricia Pulles
Snoeck Verlag, Cologne, 2015
Dans BLU, Cuny Janssen traite les différentes nuances de bleu indissociables de la perception sensuelle de Naples. Le bleu de son ciel, azur, turquoise, outremer, cobalt ou indigo, avait déjà séduit Goethe en 1787. Le livre met vis-à-vis des enfants et des jeunes des classes moyennes napolitaines et des enfants roms dont l’existence ghettoïsée, dans la pauvreté et la saleté, est visible. Naples, cette ville belle à couper le souffle abrite aussi une misère humaine difficilement imaginable. Cuny Janssen en a fait l’expérience. Après une séance de photos avec des enfants roms, ces derniers l’ont rappelée pour lui demander quand l’école allait enfin commencer pour eux aussi ; ils l’avaient prise pour une assistance sociale venue les photographier pour l’école. L’empathie s’empare sans prévenir du lecteur, c’est le cœur de BLU.
Les Roms de Roumanie
Yves Leresche
Texte de Blaise WILLA
Infolio, Gollion (CH), 2002
Yves Leresche a suivi pendant dix ans deux communautés Tsiganes de Roumanie. Il a découvert qu’ils sont libres comme aucun autre peuple ne l’est sur cette terre, qu’ils sont gais en même temps qu’ils sont pauvres, que les blessures qu’ils portent en eux les ont meurtris dans leur âme et dans leur santé.
Roms, La quête infatigable du Paradis
Yves Leresche Infolio, Gollion (CH), 2015
Ce livre, c’est cinq ans d’histoire de la vie de Roms photographiés en Suisse et en Roumanie, c’est un travail d’immersion dans la vie d’une des minorités les plus décriées d’Europe. La familiarité du photographe avec les Roms est éblouissante. Yves Leresche ne s’en est pas simplement approché, comme le font la plupart des reporters. Il a pénétré dans leur premier cercle, là où hommes, femmes et enfants vivent sans plus de méfiance ni de fard. En Roumanie comme en Suisse, les deux pôles de leurs pérégrinations, il les montre dans la rue et dans leur vie privée, en train de jouer aux cartes, de manger, de se laver, de prier, de dormir. Jusqu’au cœur de la nuit.