Le photographe allemand Klaus Kampert revendique une approche holistique dans sa pratique de la photographie de nu. Ce qu’il cherche à saisir, c’est quelque chose de ce « corps et âme » qui transforme le motif en sujet et transcende l’individualité du modèle pour toucher à l’universel.
« Je ne me considère pas en premier lieu comme un photographe de nu. » L’affirmation est déroutante, tant le travail du photographe a toujours été associé à ce genre photographique. Et pour cause : la nudité de ses modèles est à la fois le fil rouge de toutes ses séries et ce qui semble être l’objet unique de ses recherches. « Ma photographie aborde la nudité des corps comme un moyen de se rapprocher de l’esprit et des émotions de l’être humain, au travers du langage corporel. » Pour Klaus Kampert, le corps est à la fois l’enveloppe et l’interprète de l’âme, son médiateur : « interroger le corps de mon modèle me permet d’approcher l’être humain dans sa globalité » dit-il.
Les vêtements, le maquillage, les accessoires brouillent la lecture et figent le corps dans un discours tandis que la nudité lui permet d’exprimer toute la gamme des émotions. Dans de mêmes conditions de prise de vue, le même corps pourra apparaître rond ou anguleux, froid ou sensuel, tendu ou souple… Pour l’artiste, « la nudité, c’est la vérité ».
Cette volonté de laisser la parole au corps est ce qui l’a conduit, dans certaines séries, à travailler sans le visage de ses modèles. Sans que cela ne contredise la permanence de son approche holistique. « Pars pro toto » (une partie pour le tout) : le langage corporel suffit à traduire l’expression recherchée et l’absence de traits distinctifs confère à cette expression une dimension d’universalité.
Dans la même logique, le photographe choisit parfois de dissimuler certaines parties du corps, de manière à davantage révéler ce qui reste visible. C’est le cas dans la série Wrapped où le modèle semble émerger d’une chrysalide ou encore de la série Water Creatures où il est partiellement immergé.
Il y a chez Klaus Kampert une démarche comparable à celle d’un sculpteur, et le titre d’une autre de ses séries, Hommage à Modigliani, suffit à traduire l’influence que ce médium prend dans sa création. « J’essaie de faire de la sculpture avec la photographie » dit-il, « en essayant de simplifier, en mettant l’accent sur la forme et l’émotion. » La dimension sculpturale de ses photographies est particulièrement visible dans les séries On Body Forms et Torsi : les corps des modèles, saisis dans des poses qui tendent vers l’abstraction, deviennent un véritable répertoire de formes. Dans la série Porcelain, l’artiste pousse l’analogie entre sculpture et photographie jusqu’à donner, par un éclairage doux et brillant, l’apparence de la porcelaine à la peau de son modèle.
Au fil des projets, Klaus Kampert a développé une étroite collaboration avec des danseurs professionnels. Cet intérêt pour la danse l’a même amené à travailler avec les danseurs du Deutsche Oper am Rhein (« Opéra allemand sur le Rhin ») pour la réalisation de la série Balett Calendar. Pour l’artiste, le danseur est l’incarnation du « Gesamtkunstwerk », l’œuvre d’art universelle : la danse « n’est pas seulement une carrière, mais un mode et un choix de vie », où le corps et l’esprit sont unis dans une recherche de perfection. « Depuis leur plus jeune âge, ils font l’expérience de leur corps en tant que médium d’expression. Ils entraînent leur corps et leur esprit, physiquement et émotionnellement, et parviennent ainsi à un état de conscience de leur plénitude. Quand je travaille avec des danseurs, je n’ai pas à expliquer ce qu’est une bonne image, ils le savent. »
Aujourd’hui âgé de 70 ans, Klaus Kampert résume son parcours en une phrase : les premières expérimentations avec le Leica de son père, alors qu’il était encore adolescent, puis le labo dans la salle de bain, l’acquisition d’un premier moyen format, et enfin l’apprentissage auprès de photographes de mode et de publicité auprès desquels il apprend « beaucoup et très vite ». L’impatience de voler de ses propres ailes le pousse rapidement à ouvrir son propre studio, et à travailler avec un enthousiasme qui ne l’a jamais quitté. Son œuvre, récompensée par de nombreux prix, bénéficie d’une visibilité internationale au travers de publications, d’expositions et de participations à des festivals photographiques en Europe, en Amérique du Nord et en Asie.
Plus d’informations
Biographie, interview-vidéo et portfolio de Klaus Kampert sur le site de la galerie Artistics.