La photographe française Camille Brasselet construit ses mises en scène comme des tableaux et fait de ses modèles les personnages d’un récit sans début ni fin. Dans ses compositions aux couleurs douces et à l’éclairage plat, le hors-cadre devient un protagoniste à part entière. Ce qui n’est pas donné à voir devient la part irréductible de mystère dans la banalité du quotidien.
Les photographies de Camille Brasselet sont semblables aux premières lignes d’un scénario : une femme est assise sur un lit, nue, dos à un miroir… Une jeune fille en maillot de bain se tient immobile au bord d’une piscine… Ses images ont la même dimension synthétique, la même immédiateté que celles qui se forment dans notre esprit à la lecture de ces brèves descriptions. Le décor est réduit à l’essentiel, un équilibre s’établit entre le personnage et son environnement comme si, à ce stade de l’histoire, les deux avaient la même importance.
Pour l’artiste, toute l’histoire tient dans ce moment. Il n’y a ni avant ni après, libre à chacun d’imaginer ce qui viendra animer cet instant suspendu : le drame ou l’heureux événement, l’irruption du monde extérieur ou la simple reprise du mouvement de la vie.
Camille Brasselet transforme ses modèles en personnages qui occupent cet entre-deux entre réalité et fiction, propre au médium photographique. Ce sont des personnages sans histoire, sans être abandonnés : on sent au contraire dans ces corps figés une tension qui semble annoncer l’imminence d’un événement.
La jeune photographe construit ses mises en scène comme un peintre composerait une scène de genre, en utilisant les mêmes ressources : composition, couleurs, lumière… « Tout ce qui rentre dans mon cadre est pensé » dit-elle, avant d’ajouter, presque dans la même phrase : « ce qui m’intéresse c’est le hors-cadre ».
Ce hors-cadre s’invite dans les mises en scène au travers de fenêtres, de miroirs ou, comme dans la série Untitled Stories, d’enfilades de pièces et de mises en abyme. Ce qui n’est pas montré est livré à l’imagination et celle-ci s’engouffre dans cet inconnu pour échapper à l’atmosphère de ces intérieurs aux couleurs douces où le quotidien semble pourtant d’une inquiétante étrangeté.
Ce surgissement du mystère dans le quotidien, conjugué à l’aspect très pictural de ces photographies, fait penser aux tableaux d’Edward Hopper. On trouve chez les deux artistes des personnages à la fois absents et en attente, dont émane un profond sentiment de solitude. Cette solitude est particulièrement palpable dans la série La dilution du souvenir, réalisée pendant le confinement, où l’artiste a fait le choix d’un cadrage plus large que dans la série À Côté, initiée deux ans auparavant.
Le nu apparaît en filigrane dans toutes les séries évoquées jusqu’ici, mais dans la série Diaphane, il devient le sujet même. Au-delà du nu, c’est la peau qui intéresse la photographe : son univers colorimétrique, son potentiel pictural, sa capacité à montrer (la peau-parure) autant qu’à dissimuler (la peau-enveloppe). Le nom de la série semble traduire le territoire que l’artiste explore avec cette série : Diaphane, « ce qui laisse passer la lumière sans être transparent ». À nouveau cet entre-deux, qui intéresse tant Camille Brasselet par sa capacité à refléter l’essence même de l’image photographique. Les corps, dit-elle, sont « éternellement ornés d’une seconde peau, tantôt celle-ci est le vêtement, tantôt celle-ci est le regard que le photographe dépose sur lui au moment de l’acte photographique. L’objectivité photographique restant un mythe, le photographe habille de son regard le photographié. »
Camille Brasselet vit et travaille à Lyon. Née en 1997, elle suit une classe préparatoire aux Beaux-Arts de Saint-Brieuc avant de poursuivre des études en photographie à l’école de Condé à Lyon. Depuis 2019, elle développe un travail d’auteur, déjà distingué par le Fotofever Prize en 2020 et par le Prix le19M de la photographie des métiers d’art dans le cadre du Prix Picto de la photographie de mode 2022. Elle est représentée par l’Agence Vu’ pour les commandes et la presse et par la galerie Artistics pour son travail artistique.
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Biographie et portfolio de Camille Brasselet sur le site de la galerie Artistics :