Le musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières possède des trésors qui permettent de dévoiler une face méconnue d’Arthur Rimbaud. Poète, voyageur, aventurier, trafiquant, il a été aussi photographe. Le musée conserve au sein de ses collections six des sept photographies prises par Arthur Rimbaud : deux autoportraits qu’il a envoyés à sa mère le 6 mai 1883 « ci-inclus, deux photographies de moi-même par moi-même », une vue du marché de Harar, une vue de la coupole de Cheikh-Ubader, un portrait d’un fabricant de daboulas à l’heure du kât, et un portrait de Sotiro, adjoint de Rimbaud lorsqu’il travaillait au Harar. Ces quatre derniers visuels ont quant à eux été envoyés à son employeur Alfred Bardey.
Le contexte de prise de vue de ces photographies est assez énigmatique. Dès 1882, Rimbaud s’est pris de passion pour ce nouveau procédé. Il commande à Lyon un appareil photographique dans le but d’illustrer un ouvrage sur « ces contrées du Harar et des Gallas », appareil qu’il ne reçoit qu’au début de l’année 1883. Il fait venir également des livres spécialisés et le matériel nécessaire au développement. L’ouvrage scientifique projeté ne voit jamais le jour et les seules traces de l’activité de Rimbaud restent aujourd’hui les six photographies précédemment citées, auxquels il faut ajouter un autoportrait conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Ces clichés, tous réalisés en 1883, font partie de ses tous premiers essais effectués, comme il l’indique dans une lettre datée du 6 mai 1883. « Je ne suis pas encore bien installé, ni au courant, mais je vous enverrai des choses curieuses… Je vais faire un meilleur travail par la suite… » Dès la réception du matériel, Rimbaud s’est mis à pied d’œuvre pour appliquer les conseils techniques des manuels, et tirer un bénéfice immédiat de son acquisition : « Tout le monde veut se faire photographier ici ; même on offre une guinée par photographie » écrit-il encore. D’autres photographies ont donc été réalisées, mais leur trace a été perdue, laissant planer le doute sur l’intensité de l’activité de photographe de Rimbaud.
Les autoportraits, tout en donnant une image de Rimbaud adulte, ne lèvent pas toutes les zones d’ombre. Ainsi, sur aucun des autoportraits, le visage n’est réellement reconnaissable. Leur authentification est néanmoins possible grâce à la lettre du 6 mai 1883. « […] Ces photographies me représentent l’une debout sur une terrasse de la maison […] l’autre debout dans un jardin de café, une autre les bras croisés dans un jardin de bananes ». Malgré ces tirages photographiques sensés donner l’image la plus fidèle de la réalité, l’homme reste insaisissable.
Enfin, dernière surprise, ces photographies sont vouées à disparaître. Leur développement s’est fait dans des « mauvaises eaux […] tout cela est devenu blanc », et malheureusement, le processus ne peut être arrêté, tout au plus ralenti. Les photographies vont blanchir jusqu’à ce plus rien ne puisse être deviné. Ces photographies sont volatiles à l’image de l’homme aux semelles de vent.
Ces visuels extrêmement fragiles et précieux sont présentés alternativement au sein de la salle des manuscrits du musée Arthur Rimbaud. Cette salle, à la luminosité et au climat contrôlés, dévoile dans une ambiance intimiste ces images exclusives de la vie de Rimbaud et permet aux visiteurs de laisser libre cours à leur imagination pour déceler les mystères cachés derrière ces rares photographies.
Lucille Pennel, directrice du musée Arthur Rimbaud, Charleville-Mézières
Mme Lucille Pennel souhaite préciser que Monsieur Hugues Fontaine, commissaire de l’exposition « Alfred Ilg. Un Suisse en Abyssinie », présentée au musée Arthur Rimbaud du 21 mai au 2 octobre 2016, a donné le 17 septembre 2016 à Charleville-Mézières, à l’invitation du musée, une conférence intitulée « Ilg et Rimbaud, photographes ».
Musée Arthur Rimbaud
Quai Arthur Rimbaud
08000 Charleville-Mézières
France