Contrairement à ce que beaucoup d’étrangers imaginent, le réseau souterrain de Montréal n’offre pas beaucoup d’intérêt en dehors de son côté pratique pour affronter les températures hivernales. Une exception notable : les trois semaines pendant lesquelles il accueille chaque année une exposition gratuite géante d’art contemporain, à l’amorce du printemps. Une belle manière de familiariser les passants avec l’art visuel d’aujourd’hui et notamment la photographie.
C’est le Français Frédéric Loury, ancien galeriste, qui a fondé et dirige le festival Art souterrain, dont la 11ème édition qui a débuté le 2 mars 2019 avec un nouveau thème : « Le Vrai du Faux ». En sortant l’art visuel des lieux d’exposition traditionnels, le directeur ambitionne de « mettre à disposition des oeuvres de haute qualité, qui questionnent souvent des enjeux de société et plus largement notre époque (…) pour créer un dialogue avec le public“. Le travail, la sécurité, l’enracinement ou « l’art doit-il séduire ? » sont quelques-uns des thèmes qui ont été abordés par le festival depuis sa création.
Le thème de cette édition 2019 « Le Vrai du Faux », a particulièrement inspiré les artistes photographes, comme nous le raconte Frédéric Loury qui a travaillé sur ce volet avec Maude Arsenault, fondatrice du collectif d’art photographique The Print Atelier. « La photo est beaucoup ressortie dans nos recherches, parce que l’image n’a jamais été aussi trompeuse qu’à notre époque, constate le directeur. On communique avec l’image bien au-delà des mots (…). La photographie n’a jamais été aussi présente à notre festival ».
Parmi les oeuvres exposées, figure une série de photographies en noir et blanc de l’Américain Eric Pickersgill. Photographiant des individus sur téléphone ou tablette dans des contextes différents, il retire ces objets de l’image, soulignant la transformation de nos interactions et l’absurdité de nos postures quotidiennes. « Drôle et déstabilisant », commente Frédéric Loury qui ne cache pas son admiration pour ce photographe « hyperdoué ».
L’Autrichien Reiner Riedler joue également à transformer l’image en plaquant des environnements artificiels sur des personnages pour créer des photographies de fausses vacances. Le résultat, bluffant, sera placé dans un couloir particulièrement passant du réseau souterrain de Montréal. « Les gens verront juste des photos de vacances ! (…) S’ils regardent bien, ils verront la mise en scène », s’amuse Frédéric Loury.
C’est par l’originalité de ses prises de vue que le photographe japonais Satoshi Fujiwara apportera son angle personnel sur la réalité à travers ses installations géantes. Ses portraits en gros plan de sujets pris à leur insu révèlent de manière grotesque des traits disgracieux.
On retrouvera également à Montréal les photos du Français Philippe Ramette, qui se met en scène dans des postures et paysages différents, toujours vêtu d’un complet noir. « Lorsqu’on renverse certaines photographies, la lecture devient complètement différente », commente Frédéric Loury. « Ce travail artistique a nécessité beaucoup de médiation auprès des équipes du Palais des Congrès (ndlr : où les photos seront exposées), confie le directeur, car pour eux il y avait beaucoup d’angoisse qui émergeait des photographies, ce complet noir représentant, selon eux, le travailleur, son isolement, la dépression et le suicide ».
Le festival mettra en avant plus d’une quinzaine de photographes, incluant notamment l’Américaine Holly Andres et la Britannique Sian Davey (qui seront exposées en miroir avec leur approche de la domesticité) ainsi que les Canadiens Brendan George Ko et Bettina Hoffmann.
Art Souterrain
Réseau souterrain et 8 lieux satellites à Montréal
Du 2 au 24 mars 2019