Dans cette deuxième contribution, nous nous intéressons aux jeunes talents de la Haute Photographie, des noms qui représentent une vision nouvelle et rafraîchissante du monde. Des noms considérés comme prometteurs aujourd’hui, mais qui demain seront peut-être considérés comme essentiels !
Kevin Osepa (Curacao, 1994) (Images 1-4)
Kevin Osepa est probablement l’un des jeunes talents les plus difficiles à appréhender du groupe, et précisément pour cette raison, un artiste très fascinant. Son histoire reflète son pays d’origine (Curaçao), une ancienne colonie néerlandaise, et raconte l’histoire de la colonisation, de la décolonisation, de la façon dont la population a appris à faire face à l’oppression, la foi et l’expression de soi.
Il ne peut pas être catalogué dans une seule rubrique ; il adopte une multitude d’approches et divers supports. Son talent a déjà reçu une reconnaissance considérable, par exemple son film a reçu le prix du meilleur court-métrage néerlandais en 2022, et son projet Klof est très recherché par les galeries et les musées – attention : une reconnaissance internationale méritée l’attend peut-être.
Le travail du photographe et cinéaste Kevin Osepa réfléchit à l’identité de la jeunesse afro-caribéenne dans un monde post-colonial, dans lequel coexistent la réalité de la vie quotidienne et le monde magique de la religion caribéenne Brua. Osepa relie ces mondes aux idées sur la masculinité et le genre dans la société de Curaçao et des Pays-Bas. Si les thèmes qu’il explore sont autobiographiques, son travail peut également servir d’étude quasi-anthropologique. En utilisant différentes techniques expérimentales, il crée des histoires visuelles qui explorent des thèmes tels que la religion, la diaspora africaine et la famille.
Laura Bonnefous (France, 1988) (Images 5-8)
A travers une image plasticienne mettant l’accent sur les espaces qu’elle rencontre et ceux qu’elle recrée,c’est une certaine poésie du réel qu’elle nous propose.
Inspirée par les relations quel’Homme entretient avec notre paysage contemporain et captivée par les mutations vécues par notre société, elle déchiffre et étudie nos mythologies pour en proposer une vision sensible. Elle recrée avec des éléments issus du réel, ses propres espaces, plus personnels et plus métaphoriques. A la fois picturales et sculpturales, c’est à travers une certaine abstraction que ses images s’engagent dans une nouvelle archéologie de nos codes contemporains.
C’est au Beaux Arts de Paris, au Otis College of Art and Design de Los Angeles et à l’École des Gobelins qu’elle développe sa pratique entre image et volume.
Elle compte parmi les 30 Under 30 Womens Photographers en 2015 et remporte différents prix comme la Bourse du talent, le Prix Picto, le Prix des Directeurs de création et est finaliste de prix tel que l’Académie des Beaux Arts ou la résidence BMW.
KILAMBA
Découvrir l’existence de la ville de Kilamba en Angola, a été pour moi un électrochoc. J’avais envie de travailler dans ce lieu, à la fois ancré dans une histoire géopolitique au cœur des enjeux actuels et très singulier dans sa construction et son rapport à la couleur. Situé au sud de Luanda et construit grâce à des fonds chinois, il crée un espace presque fictif au milieu du paysage angolais : l’architecture et l’atmosphère flottante sont presque irréelles… Le besoin d’explorer ces terrains, d’en comprendre les complexités sociales et structurelles était essentiel pour moi. La question était alors d’essayer de faire émerger une sorte d’archéologie spontanée du territoire, tout en réalisant un travail de portrait, révélant les relations entre les Hommes et cet Environnement. A travers les couleurs et les formes, j’ai voulu explorer et réinventer ce thème entre l’Afrique et la Chine.
Sara Punt (Pays-Bas, 1994) (Images 9-12)
Sara Punt croit fermement que la créativité vit dans les espaces entre vos pensées. Ses œuvres, caractérisées par de forts contrastes noir et blanc et des corps qui prennent des formes abstraites, sont le produit d’une recherche personnelle. Une recherche qu’elle mène en collaboration avec ses modèles. Ces deux dernières années, Punt s’est concentrée sur la façon dont les gens se regardent et regardent les autres. La norme sociale actuelle est de toujours être sexuellement attirant. En conséquence, les corps sont souvent sexualisés à l’excès. Punt s’oppose à cette norme.
L’abstraction est un élément important de l’objectif que Punt veut atteindre avec son travail : l’acceptation du corps. Chaque personne traverse un traumatisme dans sa vie, qui affecte le regard qu’elle porte sur son propre corps ou celui des autres. Cela peut être le résultat de brimades, d’abus (sexuels), de blessures, de l’éducation, des médias sociaux ou de toute autre expérience. Parce que Punt dépeint le corps de la manière dont elle le fait, en le transformant en une forme ou une œuvre d’art indépendante, elle crée une certaine distance entre la personne et le corps. Ce processus contribue à déconnecter le corps des idées qui ont été projetées sur lui. Ce faisant, le corps peut être accepté et transformé en l’œuvre d’art qu’il est.
Sam Warnaar (Pays-Bas, 2000) (Images 13-16)
Sam Warnaar (2000) est une photographe néerlandaise autonome et Haut talent 2023. Elle capture sa fascination pour le corps féminin, combinée à son amour pour l’abstraction, la composition et le minimalisme. Sam montre le pouvoir de la vulnérabilité et croit que lorsque l’on est vulnérable, la force intérieure peut grandir. Elle croit au pouvoir de la création commune : modèle et photographe et s’inspire de ses modèles qui s’exposent à elle.
Alida van Gool (Pays-Bas, 1986) (Images 17-20)
Alida van Gool est l’un des hauts talents 2023. Elle joue avec le fait que les humains interagissent continuellement avec leur environnement. Nous observons le monde qui nous entoure et utilisons nos perceptions, nos pensées et nos sentiments pour interpréter ce que nous vivons. À l’aide d’associations, nous donnons un sens à nos expériences et créons des réalités subjectives. Le résultat est souvent empreint d’une étrange tension et d’une certaine agilité, comme si tout s’était mis en place et pouvait s’effondrer ou changer à tout moment. Il se situe sur le fil ténu entre dissociation et intégration.
Asha Swillens (Pays-Bas, 1994) (Images 21-24)
Asha Swillens rejoint le LAB de la galerie Kahmann. Asha est photographe et artiste numérique/imageuse. Son travail est en grande partie influencé par ses études de mode à La Haye et à Anvers, ce qui lui a permis de développer sa propre signature artistique. Elle a principalement utilisé des médias mixtes et conçu des vêtements en réalisant des collages de mode. Depuis 2020, elle se concentre sur la photographie plutôt que sur la mode. La photographie lui a permis de repousser les limites de son ancienne façon de construire des idées à partir des formes des vêtements et l’a amenée à se concentrer sur l’esthétique d’une image.
Les recherches approfondies de Asha Swillens sur les peintures du XVIIe siècle ont suscité une fascination pour l’utilisation des lumières et des ombres, ainsi que pour la combinaison de vêtements principalement noirs et blancs sur un fond sombre. Ces peintures combinent un fort contraste avec des « tons sur tons » pour donner à ces influences une sensation spécifique. Un travail qui donne l’impression de voir un souvenir d’il y a longtemps, tout en étant moderne et nouveau – des éléments et une atmosphère qu’elle a adoptés elle-même. Par conséquent, l’œuvre de Swillens remet en question la frontière entre réalité et fiction, car toutes ses images sont un collage numérique – une composition inexistante d’éléments réels.
Joep Hijwegen (Pays-Bas, 1994), (Images 25-28)
Des lumières de couleurs vives dans l’obscurité, des reflets et des silhouettes dans une ville pluvieuse. L’œuvre de Joep Hijwegen respire la nostalgie, l’amour, le mystère et la terreur. Pour le photographe, les couleurs ont chacune leur propre signification émotionnelle. Toutefois, cette signification est ambiguë : il existe une dualité entre le positif et le négatif. Par exemple, le bleu est synonyme de paix, mais aussi de dépression, le rouge est synonyme d’amour, mais aussi de danger. Grâce au contexte dans lequel Hijwegen applique les couleurs dans son travail, il leur donne un sens. Ses photographies sont l’expression de sentiments qui ne peuvent être décrits par des mots, mais qui peuvent être ressentis par des images.
La photographie de Hijwegen peut être décrite comme de la photographie de rue existentielle. Son travail en dit plus sur lui-même que sur les scènes de rue qu’il dépeint. Il a commencé à photographier pour faire face à sa peur de « disparaître » dans le monde de la vie moderne. Il avait l’impression de ne pouvoir se connecter à personne ou à quoi que ce soit, ce qui l’éloignait de la vie. Cette distance l’a amené à apprécier l’observation de la vie, mais aussi à ressentir une certaine frustration de ne pas pouvoir s’y connecter. La photographie est devenue pour Hijwegen un moyen de capturer son aliénation. Elle lui a également permis de montrer son point de vue aux autres et de se sentir mieux noté et compris.
Très vite, la photographie de Hijwegen n’a plus pour but de préserver des moments mais de les créer. C’est ce sentiment puissant d’être capable de créer du sens et de la beauté à partir du hasard qui anime sa passion.
Fleur Huijsdens (Pays-Bas, -) (Images 29-32)
Haute Rotterdam présente Fleur Huijsdens. Sa pratique en tant que photographe documentaire consiste à rendre confortable ce qui est inconfortable. Elle se concentre sur les absurdités et les handicaps. Elle raconte l’histoire d’autres personnes, par le biais de portraits et de natures mortes. Elle n’est pas seulement fascinée par le portrait des personnes, mais aussi par celui des animaux. Avec sa série les chats, elle attire l’attention, fait sourire et, surtout, dépeint l’humain dans son sujet.
Haute Photographie Rotterdam 2023
8-12 février
Keilepand, Keilestraat 9 , Rotterdam
John Devos
johndevos.photo(ad)gmail.com