Pour l’édition 2016, Art Paris Art Fair accueille quelques 143 galeries issues de 22 pays. L’accent cette année est mis sur la scène européenne et le pays d’honneur invité: la corée avec la commissaire Sang-A Chun qui a sélectionné 80 artistes et des évènements annexes, des années 60 aux pratiques artistiques actuelles. Innovation cette année avec les expositions itinérantes de Bus Expo sur les cars Air France qui sillonnent la capitale jusqu’à la mi avril.
Marie de La Fesnaye a rencontré le grand ordonnateur de cet évènement printanier parisien, Guillaume Piens pour un éclairage sur les nombreuses propositions qu’offre cette édition…
En quoi le concept de régionalisme cosmopolite est il un concept gagnant ?
Aujourd’hui il existe dans le marché de l’art contemporain des autoroutes de l’art, beaucoup de foires qui se multiplient (pratiquement 200) et se déclinent sur le même modèle, d’où une perte d’identité. Il est important face à cette standardisation progressive de retrouver la notion de singularité, d’originalité. l’un des moyens est de revenir à l’idée du territoire et d’explorer les régions européennes en mettant en avant des villes de taille moyenne qui abritent des scènes intéressantes où les artistes travaillent ensemble et relativement à l’écart des modes. C’est aussi défricher de nouvelles scènes qui viennent de rivages lointains. Le cosmopolitisme régional c’est d’être à la fois international et régional, local et global. L’objectif est de sortir du mainstream qui est devenu le standard de beaucoup de foires en travaillant autrement pour offrir une autre géographie de l’art.
Quelles évolutions du marché avez vous remarqué ces dernières années ?
Principalement une mondialisation de l’art contemporain et multiplication de foires dans des lieux de plus en lointains, ce qui génère beaucoup d’attention et d’intérêt avec de nouveaux publics et de nouveaux acheteurs. Au niveau du marché, l’un des principaux changements est le rôle du collectionneur qui est devenu la figure prescriptrice principale au détriment du musée ou du critique d’art et même de la galerie. Les collectionneurs créent aujourd’hui leurs propres musées, fondations, prix et résidences d’artistes. En France cela a complètement changé le paysage institutionnel. Au niveau des galeries il y a le phénomène des méga-galeries qui sont en train de tout aspirer et consacrer. Il est indispensable de soutenir le travail de découverte et de défrichage mené par les galeries de taille intermédiaire que je préfère appeler galeries « d’auteur ». C’est pourquoi Art Paris Art Fair accueille par exemple cette année une quinzaine de galeries françaises en région qui font un excellent travail comme Oniris à Rennes, Jean-Pierre Ritsch Fisch à Strasbourg ou François Besson à Lyon.
Notre mot d’ordre est d’être complémentaire au printemps par rapport à l’automne et pas supplémentaire.
Quelles sont les nouveautés de cette édition 2016 ?
Chaque année l’approche thématique renouvelle complètement la foire, à l’image de notre secteur Promesses pour les jeunes galeries révélateur. celui ci à la fois cosmopolite et locale accueille aussi bien des galeries marseillaises talentueuses (Béa-Ba et Gourvennec Ogor) que la YAY gallery de Bakou, 50 Goldborne basée à Londres mais axée sur la scène africaine, la française Maëlle Galerie orientée vers la scène des Caraïbes, espace L à Genève mais en lien avec la scène brésilienne et deux autres galeries liées à la scène coréenne : Christine Park (Londres) et ART’LOFT (Bruxelles). Rien que ce petit secteur dédié à l’émergence reflète bien notre ADN et axe de travail, à la fois global et local.
Le secteur solo show présente 20 expositions personnelles, dont beaucoup consacrées à des femmes , qui permettent de renforcer la lisibilité de la foire tout en permettant au public de rentrer en profondeur dans le travail d’un artiste.
Parmi les nouveautés, nous accueillons la cristallerie DAUM qui expose ses collaborations artistiques autour du street art avec notamment Hervé di Rosa ou Alain Séchas.
Nous avons lancé un partenariat avec Bus Expo qui propose une exposition itinérante de 5 solo show de la foire (Geneviève Claisse, Katinka Lampe, Hervé di Rosa, Antoine Roegiers, Fadi Yazigi) sur les cars Air France du 17 mars au 5 avril. C’est une très belle opération qui fait circuler l’art contemporain dans la ville et qui illustre notre volonté de démocratiser l’accès à l’art contemporain, plutôt que le contraire ! Nos valeurs en résumé.
Nous inaugurons sur les Murs Nord et Sud de la Nef un nouveau cycle de présentation d’oeuvres historiques à redécouvrir ou de créations contemporaines. Sont présentés « Les femmes fatales » série rare d’Erro en collaboration avec le museum Angerlehner de Vienne, une création d’Emmanuel Régent par la Galerie Caroline Smulders, les Poèmes suspendus de l’irakien Dia Al-Azzawi, figure majeure du modernisme arabe.
Enfin tous les soirs le public pourra découvrir les projections numériques sur la façade du Grand Palais de 6 artistes dont 3 Coréens Kim Joon, Moon Pil Shim et Col.l.age car nous les savons très tournés vers l’art numérique. Des créations toutes inédites et foisonnantes du mappping à la video, l’algorithme,… le digital sous toutes ses formes !
La Corée à l’honneur, pourquoi /comment ?
Cette approche thématique a pris une réelle dimension puisque cela touche 36 galeries coréennes et occidentales et représente 80 artistes rarement vus à Paris. Ce déploiement exceptionnel est signalé dès l’entrée du Grand Palais par l’oeuvre monumentale « Flash Wall » de Kiwon Park (313 Art Project) qui figure un mur évoquant la division entre les deux Corée mais aussi le désir de paix grâce aux messages que les visiteurs et passants pourront accrocher.
Quelle est la place de l’image dans cette édition et de la photographie coréenne ?
Elle est assez importante avec un curieux phénomène que celui de galeries de photos qui viennent en présentant de la peinture, comme c’est le cas de Baudoin Lebon et des Filles du Calvaire. On note l’arrivée remarquée de Françoise Paviot cette année avec une belle sélection de photographie plasticienne, dont Dieter Appelt et beaucoup de femmes. Nathalie Obadia montre Valérie Belin et Andres Serrano, la galerie Silk Road de Téhéran montre toute la jeune garde photographique iranienne (Shadi Ghadirian, Newsha Tavakolian et Tahmineh Monzavi ), Analix Forever présente le travail de deux américaines Janet biggs et Dana Hoey,Pascal Vanhoecke montre José Manuel Ballester, plasticien espagnol tourné vers l’image.
Dans le secteur Promesses nous avons la galerie Bildhalle de Zurich aussi totalement axée sur ces nouvelles écritures de l’image avec Delphine Burtin ou Douglas Mandry.La londonienne White Space avec le fameux lituanien Antanas Sutkus mais aussi des russes, le luxembourgeois Wild Projet propose Sabine Pigalle mais aussi Jeanne Susplugas. Chez les français,la galerie Cinema pour la 1re fois participante fait le lien entre photographie et cinéma avec Depardon et Cédric Klapisch, notamment, la galerie Madé se concentre sur Jean-François Lepage, Françoise Besson propose Dolores Marat,citons également la galerie Binôme spécialisée dans ces nouvelles écritures de l’image avec Thibault Brunet. Nils Udo à la limite de la performance est montré par Claire Gastaud ou Fabian Miller chez Gimpel & Müler lié au départ à l’abstraction géométrique. La diversité géographique ouvre aussi sur des horizons plus lointains, chinois avec Liu Bolin ou les Gao Brothers chez Boxart mais aussi colombien avec la Balsa Arte de Bogota et Jesus Abad-Colorado. On a aussi de la photographie africaine comme chez Magnin avec Seydou Keïta, dont le vernissage a lieu au même moment également au Grand Palais.
Au niveau des photographes coréens saluons le travail de défricheur de Paris Beijing avec notamment ce jeune photographe Jeong-me Yoon axé sur la société de consommation. Vous avez chez RX, Bae Bien-U avec cette approche de la nature qui se nourrit du bouddhisme et chamanisme. Kim Dae-Soo chez Françoise Livinec travaille aussi autour de la relation avec la nature, un fil intéressant pour comprendre cette scène coréenne. L’univers numérique et les techniques mixtes et futuristes sont une autre veine de la scène photographique avec Yun Soo Kim par exemple qui part d’images composites. La photographie est un médium qui compte chez les jeunes artistes du pays du Matin Calme car elle prend en charge la critique sociale et décrit les mutations accélérées de la société. Elle questionne la société de consommation, les fractures sociales, les traumatismes de l’histoire contemporaine, avec l’avantage de prix qui restent assez accessibles (autour de 5000 euros).
C’est grâce à Art Paris Art Fair que ma vision a évolué depuis Paris Photo, vers ces nouvelles écritures de l’image qui sont devenues le langage photographique d’aujourd’hui.
Comment s’organise le hors les murs avec ce « printemps des arts à Paris » très attractif ?
Nous avons construit notre parcours VIP tout naturellement en résonance avec des événements phares tournés vers l’Asie tels que « Daido Moriyama, Daido Tokyo » à la fondation Cartier, les artistes chinois à la fondation Vuitton, un accrochage spécial d’artistes coréens au musée Cernushi et une table ronde sur l’art contemporain coréen au Centre Culturel Coréen, animée par la commissaire invitée d’Art Paris Art Fair Sang-A Chun. Plus largement au programme, une soirée musicale à l’ Appartement, une relecture de la photographie par Jan Dibbets au musée d’art moderne, Helena Almeida au Jeu de Paume entre la photographie et la performance,la scène de Los Angeles au Mona Bismarck American Center, Safaris au musée de la chasse et de la nature, Persona au musée du Quai Branly, Dove Alouche à la fondation Ricard, « Dans l’atelier, l’artiste photographié » au Petit Palais. Toujours beaucoup de photographie !
Question bonus, Peut-on savoir quelle sera la prochaine scène ?
L’Afrique avec Marie-Ann Yemsi comme curatrice et un vrai Paris africain !
FOIRE
Art Paris Art Fair
Du 31 mars au 3 avril 2016
Grand Palais
75008 Paris
France
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http://artparis.com