Aujourd’hui s’ouvre Art Paris Paris Art Fair. Jusqu’au 1er avril inclut, la nef du Grand Palais accueille cette grande foire d’art contemporain. Cette année, la photographie occupe une place importante et nombreuses sont les galeries photographiques qui figurent parmi les exposants. Précédemment commissaire de Paris Photo, Guillaume Piens est commissaire général d’Art Paris depuis deux ans maintenant. Nous lui avons posé quelques questions.
Comment se situe Art Fair Paris cette année par rapport aux autres années ? Par rapport à Paris Photo ?
Guillaume Piens : Nous avons beaucoup plus de galeries par rapport à l’année dernière, 144 au lieu de 125 et 20 pays au lieu de 16 précédemment. Il y a 43% de participation étrangère, ce qui est la plus haute enregistrée pour Art Paris pour le moment. La foire est en train de se transformer, de trouver sa propre écriture et sa place autonome par rapport à la FIAC. Nous avons trouvé notre ton, notre façon d’être, notre personnalité : ce qui est l’enjeu essentiel pour Art Paris.
Personnellement, je ne suis pas parti de Paris Photo pour refaire une foire de photographie déguisée sous les oripeaux d’une foire d’art contemporain et d’art moderne. J’ai aussi travaillé le champ de l’art moderne. Effectivement il y a une très bonne représentation photographique avec notamment une très bonne couverture pour la photographie russe, mais au même titre que la peinture et d’autres formes d’art.
Quelles sont les nouveautés de cette édition ?
G.P : Cette année, la Russie est invitée d’honneur. Ensuite, il y a la création d’une plateforme pour les jeunes galeries, Promesses. Une grande amélioration qualitative de Art Design et le lancement d’une plateforme Art Books animé par la librairie Artcurial, pour le livre d’art et le livre d’artiste. Additionné cela fait quand même beaucoup nouvelles choses. Il y a aussi une nouvelle puissance par rapport à l’année dernière et à ce qui c’est passé précédemment, une certaine crédibilité artistique retrouvée qui fait que les très bonnes galeries reviennent et d’autres nous rejoignent.
Justement, pourquoi avoir choisi la Russie comme invitée d’honneur cette année ?
G.P : La stratégie de cette foire, c’est d’être une foire européenne qui regarde l’Est et qui se distingue d’une foire qui regarde et qui est très adossée au marché anglo-saxon.
Finalement, la Russie constitue déjà la première étape de cette exploration des scènes de l’Est avec effectivement un cas très intéressant, la Russie étant un pays à cheval entre l’Europe et l’Asie. Nous allons évoluer de plus en plus vers l’Asie puisque l’année prochaine, ce sera la Chine qui sera invitée. C’était donc tout à fait intéressant de commencer par la Russie.
D’autre part, c’est un pays qui a eu beaucoup d’intérêt dans les années 2005/2008 en terme de marché qui depuis quelques années connaît une certaine atonie. La scène russe est très peu visible, on la voit très peu. C’est absolument fantastique de pouvoir faire ce projet au Grand Palais et de réunir autant de galeries russes, qui viennent pour la première fois. Ce sont des galeries qui viennent d’un territoire immense ! Si l’on parle par exemple de galeries qui viennent de Vladivostok, c’est tout de même à deux heures de Séoul, deux heures de Tokyo, très éloigné de l’Europe en tout cas. Il y aussi des galeries qui viennent d’Ekaterinbourg, de l’Oural, Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov qui est vraiment à la porte du Caucase, très loin là encore. Nous avons donc une belle représentation du territoire russe. On a aussi des artistes qui viennent d’Azerbaïdjan. Et, autour de cette plateforme Russie, il y a 22 galeries Occidentales qui sont venues présenter leurs artistes russes.
Ce que je trouve formidable aussi, c’est de pouvoir mettre en lumière différentes périodes. Donc il y a des russes immigrés des années 1920-30, des non conformistes des années 1960-80, la galerie Christian Berst parle de l’art brut russe…
Il y a une certaine diversité donc et l’on cherche à sortir des clichés russes. On associe trop souvent la Russie à Lénine, et à l’art politique : c’est un peu réducteur pour l’art russe ! L’histoire russe est faite de bouleversements politiques assez incroyable, de révolutions etc. C’est une histoire très lourde mais j’avais envie que l’on parle de la Russie. La Russie telle qu’elle est. Les artistes russes et leur rapport à la nature, au chamanisme, à la peinture abstraite. Bien plus en profondeur que les clichés dont on nous bassine ici en Occident depuis la perestroïka. L’étoile rouge, Lénine, Staline qui rencontre Marilyn Monroe…c’est très bien tout ça mais il n’y a pas que ça!
Quelles sont les tendances qui se dégagent sur le marché actuellement ? Qu’est-ce que vous avez pu constater ?
G.P : Les marchés sont très liés au marché de l’exposition. C’est amusant de voir qu’il y a beaucoup de choses autour du cinétisme et de l’optical Art en ce moment. Il y a de grandes expositions qui en présentent comme Julio Le Parc au Palais de Tokyo actuellement. Une autre tendance est celle de revenir sur la vague des années 1960-80. Beaucoup d’artistes remixent tous ces mouvements, c’est assez intéressant. Après il y a beaucoup de stratégies individuelles.
Quel est l’état du marché de la photographie en ce moment, selon vous ?
G.P : On voit bien que la photo est devenu un art majeur, c’est pour cela qu’elle s’introduit et fait partie du langage contemporain. Mais en même temps je trouve cela intéressant de voir des galeries photo muter vers l’art contemporain. C’est le cas de Priska Pasquer, qui est quand même très inscrite dans cette foire Art Paris, et d’autres galeries qui finalement aussi essayent de sortir du sillon un peu étriqué de la photographie.
Je pense aussi qu’avec la photographie, il y a un côté positif du fait que l’on n’ait jamais autant parlé de la photographie mais il y a un côté négatif – c’est d’ailleurs pour cela que je suis content d’être ailleurs qu’à Paris Photo, avec deux ans de distance – puisque je trouve que l’on voit de plus en plus d’images et de moins en moins d’œuvres photographiques. Il y a tout un discours que je trouve assez dangereux qui permet de faire rentrer des œuvres comme photographie, qui ne sont pas de la photographie et une tendance décorative lourde dans la photographie. Donc finalement, je trouve que c’est assez intéressant de s’éloigner de la photographie.
Pour terminer, que diriez-vous à quelqu’un qui a plutôt l’habitude d’aller à la FIAC, pour le convaincre d’aller à Art Paris ?
G.P : Art Paris a un côté plus accessible et beaucoup moins élitiste que la FIAC ; ça fait du bien aussi. Je trouve ça important aussi le climat dans lequel on est. A Art Paris, on peut gentiment poser des questions, les galeristes y répondront. Des flyers seront à la disposition des visiteurs, avec leur programme. On a même développé une application qui regroupe les gammes de prix puisque l’on s’est aperçu que beaucoup de gens n’osaient pas demander les prix aux galeristes. Nous cherchons à aller contre ce côté où l’art contemporain est réservé au 1% d’une élite mondiale et surtout, contre cette attitude arrogante qui prévôt généralement.
Propos recueillis par Juliette Deschodt.
FESTIVAL
Art Paris Art Fair
Du 28 mars au 1er avril 2013
Grand Palais
21, avenue Franklin Roosevelt
75008 Paris
France