Je suis photographe, habitant à Toulouse. De nationalité française, j’ai 35 ans. Je vous propose ici un extrait d’un travail d’auto-fiction que je mène sur ma famille depuis la naissance de ma fille, il y a 2 ans et demi.
Arno Brignon
Joséphine
On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, on ne fait pas plus de bonne photographie sans maintenir ses émotions à bonne distance focale.
Arno Brignon, jeune père mais déjà photographe affirmé, le sait en nous proposant cette vision distanciée de ce moment de sa vie de famille. Il le fait, non pas sur le mode (fièrement) affirmatif de sa paternité mais sur celui , plus interrogatif, de sa place dans cette étrange histoire d’amour à deux qui, d’un seul coup d’un seul, s’est transformée en figure triangulaire : celle de sa femme, devenue maman, qui porte, joue, baigne, danse , nourrit, couche (avec) l’enfant (et lui tourne le dos, à lui, son homme), d’une petite fille, Joséphine, qui regarde sans vraiment voir, se pose là (sans poser encore), et lui la tierce personne qui derrière le masque de son appareil a du mal à trouver sa place, à faire le point sur l’objet de son désir.
L’art d’Arno Brignon c’est de réussir à rendre sensible par les flous de bougé, de mise au point, les décadrages et les basculements de champ, ce trouble qui s’empare de l’homme confronté à sa nouvelle image de père et que le photographe traduit magnifiquement par cette errance visuelle proche du vertige ?
Dominique Roux
Portfolio week-end sélectionné par David Fahey.