Ce fut une des bonnes surprises, si rares, dans cette dernière version de ce qui fut pendant plusieurs décennies la plus grande manifestation pour les photographes du monde entier. Nous vous l’annoncions déjà, depuis cinq ans, les photographes deviennent systématiquement exclus (sauf à servir de faire valoir pour les autres) de cette ex-capitale de leurs rencontres animées, voire arrosées. Cette ambiance improvisée et fervente s’est évaporée, au profit de nombreux autres intérêts, et ce, par des nuées de nouveaux interlocuteurs dont la culture photographique frise le zéro absolu.
Cette petite mise à jour pour les cerveaux photosensibles et parce que, miracle, une mouche célèbre s’attarde dans une galerie indépendante de la rue de l’hôtel de ville. Cette mouche est précisément le symbole de l’émancipation de photographes qui rejetèrent, en leur temps, les systèmes économiques et financiers semi-mafieux qui asservissaient, au Japon, leur travail et leur créativité.
Ce coup de tête qui dans le système japonais de l’époque était plus qu’une révolution et il frisait la subversion intellectuelle, culturelle et morale.
Le maitre Daido Moriyama qui enseignait la photographie, supportait de plus en plus mal la main mise du circuit économique qui mettait les photographes de l’époque sous dépendance totale. C’est ainsi qu’à la suite de diverses réflexions avec, ses élèves, ils ouvrent en juin 1976, dans un petit local de Tokyo, ce qu’ils appelleront « un magasin d’images ». Ils le baptiseront « CAMP » par référence à la notion générale de camping qui prévaut dans ce local. Le but premier était de valoriser le travail des membres et d’organiser un maximum d’expositions et des ventes en dehors des circuits traditionnels (entre autres les galeries des grands industriels de la photographie).
A travers plus de 200 expositions en huit ans, Camp fera connaître des créateurs de premier plan tel que Keizo Kitajima, Seiji Kurata, Osamu Takizawa, Noriko Shibuya et Susumu Fujita , etc. Bien entendu, dans ce contexte, toutes sortes d’expérimentations tant techniques que visuelles sont entreprises.
L’exposition d’Arles nous offre la découverte des travaux réalisés par les membres des aventures Camp (dont nombre de vintages). Anecdotique, la reconstitution (à l’étage) du premier local de l’« IMAGE SHOP CAMP » ouverte au 2 Chome street dans le quartier de Shinjuku à Tokyo. La visite s’impose à tous nos créateurs dits émergents, non pas par nostalgie d’un temps que … ; non pas ; mais, pour s’imprégner de ce que peut-être un véritable creuset de créativité.
Pour le reste, tout aussi incontournable, les œuvres des maîtres de cette école japonaise, avec des photographies très dures techniquement (nous sommes encore dans l’analogique) et totalement débridées philosophiquement dans leur représentation.
Il y a encore un peu de Photographie dans le Arles de 2023, peut-on rêver de souffler sur les quelques braises pour rallumer le feu pour les images réalisées par des photographes.
Thierry Maindrault
Exposition
Espace Sinibaldi d’Arles
24 rue de l’Hôtel de Ville
13200 Arles
du 18 juillet au 26 août 2023
du mardi au samedi de 10h30 à13h & 16h à 19h