L’on connaissait Thomas Mailaender en franc-tireur de l’exposition, en pirate de la technique, en collectionneur de bizarreries, bref, en bandit des grands chemins de l’art ; le voilà qui se présente à nous sous la double casquette de l’artiste industrieux et du contremaître. Il entend enduire, insoler, couper, coller, tirer, relier, projeter, plonger, recycler, détruire et, d’un même mouvement, exposer tous ces faits et gestes. Une fabrique donc, au beau milieu du Centre Photographique Marseille, qui tourne à plein temps et à plein régime. Là où, dans les musées, l’on accorde au moins un jour de repos aux œuvres pour les laisser respirer, Mailaender fera du sans relâche, 24/7, et avec lui quelques mains et têtes supplémentaires.
À l’encontre du modèle normatif de la rencontre avec l’œuvre – produit du génie de l’artiste, livré tel quel depuis les méandres de sa subjectivité unique –, c’est ici tout le processus créatif qui est mis en jeu et sous nos yeux, plutôt que sa seule finalité.
Dans la lignée d’un Duchamp, qui parlait d’une « chaîne de réaction » pour qualifier le travail de l’artiste, la proposition de Mailaender se tient entre l’installation performée et la performance installée. C’est, en somme, une unité de production artistique qui sera donnée à voir, au sein de laquelle l’art, in statu nascendi, fait les trois-huit, pour enfanter des résultats suspendus à l’enchaînement des décisions, des repentirs, des échecs et des succès, de la volonté des matériaux et du temps passé en salle de repos, entre bières et pizzas.
Entrons donc dans le joyeux bazar organisé par l’artiste, nommé comme l’une de ces boutiques photographiques des « trente glorieuses » : Lumière Passion. À tout prendre, l’on devrait s’y sentir comme dans une fête foraine, dans la chambre risqué d’un chimiste en herbe ou dans le garage fourmillant d’un mécanicien amateur. L’on y verra les heureux stigmates du travail cérémoniel, fondé sur des protocoles variables, qui aura permis de faire des livres, des cyanotypes monumentaux à même les murs, un film, et d’autres objets vendus comme ceux qui sortent d’une usine.
Guillaume Blanc
COMMISSAIRE D’EXPOSITION : ERICK GUDIMARD.
EXPOSITION RÉALISÉE EN PARTENARIAT AVEC LA RÉSERVE DES ARTS, MARSEILLE.
Cette exposition fait partie de la programmation satellite des Rencontres d’Arles dans le cadre du Grand Arles Express.
Thomas Mailaender : Lumière Passion
27 mai -10 septembre 2022
Centre Photographique Marseille
2 rue Vincent Leblanc 13002 Marseille
https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1103/thomas-mailaender