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Arles 2021 : Pieter Hugo : Le coup de coeur de Jean-Baptiste Gauvin

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« La vulnérabilité est ce qui nous rend humains »

Aux Rencontres d’Arles, le photographe expose ses portraits. Souvent reconnu via des séries photographiques particulières, il présente cette-fois seulement les visages de celles et ceux qu’il a eu l’occasion de photographier depuis environ vingt ans. Dans le Palais de l’Archevêché, avec une atmosphère propice au recueillement et à la méditation, il offre une confrontation puissante au regard de l’autre.

Entretien avec Pieter Hugo.

 Est-ce la première fois qu’une grande exposition est consacrée à votre façon de faire du portrait ?

J’ai eu des expositions de carrière précédentes qui se concentraient sur le portrait, mais c’est la première exposition qui se penche exclusivement sur ma pratique du portrait dans le genre tête et épaules.

Ce sont des portraits très différents, issus de séries très différentes, mais avec un fil conducteur, l’art du portrait, alors comment décririez-vous la spécificité de cet art ?

Je suis très à la recherche de portraits saisissants. La distance à mes sujets est pour la plupart uniforme dans cette exposition. Je pense que cela permet à ma façon de voir et de regarder d’être communiquée avec clarté. Je suis très clairement l’auteur de toutes les images, même si elles sont faites dans des modes d’expression très différents.

Vous expliquez qu’il est important lors de la réalisation d’un portrait en photographie d’établir une certaine relation avec le modèle, une certaine confiance entre vous et le modèle… Pourquoi est-ce important ?

Eh bien, ce n’est pas seulement la confiance. Il y a une dynamique de pouvoir. Il y a une vulnérabilité à permettre à quelqu’un de faire votre portrait. Le sujet (et moins le photographe) a un contrôle total sur l’image finale. Il y a une convergence d’accident, d’intention, de confiance, de méfiance, d’agence, de vulnérabilité, de performance, d’analyse et de tension qui se réunit dans la séance d’un portrait. Il y a une lutte physique et mentale qui se produit.

Comment instaurez-vous ce genre de climat qui pourrait créer une confiance entre vous ?

J’essaie d’être honnête sur mes intentions même si elles ne sont pas toujours claires pour moi.

Vous dites aussi : « Il y a de la beauté à être retenu dans le regard d’un autre ». Est-ce cela qui vous guide dans le portrait ? La fin d’un certain cynisme ? La magie d’un moment d’ouverture à l’autre, à l’altérité ?

Je suppose que oui…. Je me demande souvent pourquoi je reviens toujours au portrait. Certes, dans le climat actuel de la photographie, il serait plus sûr, plus facile et moins problématique de faire un travail qui n’implique pas la ressemblance des autres. Je suis comme un papillon autour d’une bougie !

Les personnes que vous photographiez ont souvent l’air profondes, parfois tristes ou songeuses, paraissent souvent fragiles ou meurtries… Beaucoup semblent avoir des blessures physiques et morales… S’agit-il des blessures de l’être humain que vous êtes particulièrement disposé à montrer ?

La vulnérabilité est ce qui nous rend humains.

Ce qui m’a aussi frappé, c’est la présence de ton autoportrait au milieu d’une dizaine de portraits, comme si tu étais avec ces personnes, avec le même cadre et le même cliché… Est-ce important quand on est photographe de se présenter comme l’égal des personnes photographiées ?

Oui mais bien sûr l’équilibre n’est pas égal. Dans la plupart de mes autoportraits, je me sens faux. Dans les portraits d’autres personnes, je me sens plus honnête.

Interview par Jean-Baptiste Gauvin

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