Pour cette cinquième édition, la conversation photographique d’Olympus évolue en proposant un seul binôme au lieu de trois « pour réaliser un travail plus en profondeur », explique Didier Quilain (ancien président d‘Olympus France-Belgique aujourd’hui conseiller pour la marque), et en lançant un appel à candidatures non pas à l’attention des étudiants de l’ENSP mais s’adressant aux jeunes diplômés des deux dernières promotions. Ainsi est née la rencontre entre Eleonore Lubna, diplômée de l’ENSP en 2016, et Guillaume Herbaut qui, parallèlement à des commandes pour la presse, mène un travail documentaire personnel. Leurs regards se croisent sur un des sujets de prédilection du photojournaliste : l’Ukraine où il se rend très régulièrement depuis plus de quinze ans. En réponse à ses images portant sur la zone de front, Eleonore a proposé de témoigner sur les habitants qui ont fui les zones de combat. Entretien avec Guillaume Herbaut autour de cette expérience inédite.
Comment s’est fait le “recrutement” d’Eleonore Lubna ?
Olympus et l’école d’Arles ont fait passer une annonce en précisant qu’il s’agissait de créer un dialogue avec mon travail. Après avoir examiné les candidatures, nous avons fait une sélection et avons reçu quelques candidats à Paris. Chacun d’entre eux a proposé un projet en lien avec mon travail. L’idée étant de créer une résonnance, une réaction, en tout cas une vraie réponse à mon travail.
Sur quels critères Eleonore Lubna a-t-elle été choisie ?
Il s’est avéré que son projet intégrait ma démarche avec pertinence. Elle a manifesté une connaissance assez profonde de mon parcours. Et ce qui nous a plu dans son projet, c’est le fait qu’elle ait un point de vue sociétal et un discours politique. Elle ne fait pas de la photo pour faire de la photo même si son travail a une dimension plasticienne affirmée : elle se sent concernée par le monde qui l’entoure. C’est quelque chose qui fait directement écho à mon propre travail car je conçois la photographie avant tout comme un acte d’engagement.
Quelle était sa proposition ?
Elle a proposé de partir en Ukraine, où je travaille depuis plus de quinze ans et de manière particulièrement intense ces trois dernières années, et de travailler sur les personnes déplacées. Il y a une vraie résonnance avec mon travail puisque, de mon côté, je vais très régulièrement sur les lignes de front. Ces deux angles sont très complémentaires. Elle s’est donc intéressée aux conséquences de la guerre en allant photographier et interviewer une dizaine de personnes qui se retrouvent aujourd’hui à Kiev à cause du conflit et qui ont perdu leur racine.
Comment s’est déroulée cette “collaboration” ?
Précisons d’abord que Eleonor Lubna a trois ans d’expérience en tant que professionnelle auxquelles s’ajoutent ses années d’études à Arles. Sa démarche d’auteur est déjà installée… Notre relation a donc été celle de professionnel à professionnel plus que de maître à élève. Ce qui m’a plu dans cette expérience, c’est que tout en travaillant tous les eux le même sujet, nous l’avons abordé différemment. Eleonor Lubna recherche notamment des documents qu’elle se réapproprie ensuite en les utilisant en tant que tel. Elle intègre également du texte et les images qu’elle réalise ont un statut d’allégorie, ce qui n’est pas le cas chez moi. Elle prend une certaine distance vis-à-vis des faits alors que de mon côté – et particulièrement en ce moment – ma démarche est celle d’un reporter…
Comment vos travaux dialoguent-ils dans l’espace du Palais de Luppé ?
Pour la scénographie, nous avons travaillé à trois, avec Fannie Escoulen. Mes photographies sont présentées sous la forme d’une ligne, comme je l’avais fait pour l’exposition 7/7 au Carré de Baudouin à Paris. Cette ligne trace un parcours qui mène aux images de Eleonor Lubna. Si de mon côté il y a une certaine tension, du sien la présentation est plus aérienne et fait l’effet d’une respiration…
Quel bilan dressez-vous de cette expérience ?
Je pense qu’il est important de créer des liens entre les différentes générations de photographe, ce que permet un projet comme celui-là. L’expérience des aînés doit servir aux plus jeunes… Il faut que les générations s’entraident. Et cela marche dans les deux sens car c’est aussi une source d’enrichissement pour moi.
Propos recueillis par Sophie BernardPropos recueillis par Sophie Bernard
Olympus engage une conversation photographique
Un dialogue entre Guillaume Herbaut et Eleonore Lubna
Ukraine, de Kiev au Dombas, un aller-retour
Festival des Rencontres de la Photographie d’Arles 2017
Du 3 juillet au 24 septembre 2017
Arles, France