Arles 2014 : Sans tambour, ni trompette
Il sera question de partage, d’association, de collectif et d’identité. Nous éviterons en revanche les reliques, les commémorations, les typologies et les académismes en tous genres. De loin en loin, on se rassemble, on s’essaie, on invente aussi à Arles cette année. Entre les grandes balises, les confettis, les sabres lasers et les objets amateurs d’une photographie « Pop », on se fraie un chemin, on slalome. Il ne faudra fort heureusement pas fournir trop d’effort avant de voir grandes ouvertes, les portes prêtes à accueillir la photographie contemporaine. En mire des sentiers battus, des maisons et des garages.
Nous verrons aussi des spectateurs que François Cheval souhaiterait « émancipés » en référence à Jacques Rancière qui, une lampe torche à la main, tentent de découvrir péniblement le lieu de la photographie. C’est cette question qui semble agiter : où habite véritablement la photographie aujourd’hui ? Où qui loge-t-elle ? Peut être devrait-on parler « d’image » seulement … Une jolie demeure pourtant. Tout comme celle qu’a investi depuis près d’un mois le collectif M.Y.O.P à deux pas du forum. Mis à nu, puis réinvesti, ce vaste hôtel particulier regorge d’inventivité. Des alcôves à l’escalier, du cabinet de toilette au patio local, chaque recoin a été personnalisé et réapproprié. Nous trouverons au gré de la déambulation des intérieurs chaleureux avec tapis et guéridons mais aussi des salles de bain improvisées en salle de projection. Ici tout est fait à la main et pour nous mettre dans le bain ! Du sol au plafond. On a planché pour occuper. « Venez Squatter » conclue Lionel Charrier, directeur de l’agence en édito du journal créé pour l’événement. Du 7 au 13 juillet, causeries, concerts et installations éphémères rythmeront chaque jour ces « territoires occupés ». Dix-huit expositions au total. C’est ce que l’on appelle une invitation !
A quelques encablures de là, un autre laboratoire s’est fomenté. Bienvenu dans le Cosmos de la galerie 2600. Pour sa sixième édition, cet ovni poursuit ses explorations des pratiques émergentes dans les arts visuels, la création numérique et l’édition. Tout le long de la semaine d’ouverture, le fief taurin aura troqué ses banderilles contre une dizaine de stands de livres de photographie. Une surprise camarguaise répondant à la drôle d’association de « Poteaux et Taureaux » nous est concoctée par Sebastian Hau et Olivier Cablat. L’exposition est le fruit juteux d‘un appel à participation lancé via Facebook quelques mois auparavant. Collectées parmi 3000 propositions, les images apparaissent et disparaissent sur de petits écrans plats additionnés les uns à côté des autres. Le résultat est pimpant et généreux.
Aux ateliers, on découvre. Des prétendants consistants au « Prix Découverte » soutenu par la Fondation Luma. D’abord le suédois Pieter Ten Hoopen présenté par Wim Melis nous plonge dans une atmosphère suave où l’horizontal semble avoir pris le pas. Non loin de là, le travail plastique du colombien Victor Robledo joue des ombres dans des géométries quasi virginales.
Rappelons-nous qu’entre les installations lunaires et des images satellites, la photographie reste un geste, un œil, une intuition. Car « il n’y a pas de préméditation en photographie » répond le photographe Mickael Ackerman à une question du public. Ni préméditation, ni calcul mais bien une réflexion menée vers l’autre et à travers soi. En effet, ne devrions-nous pas voir dans la question identitaire apparue à plusieurs endroits de cette édition, les signes d’une crise dont souffrirait la photographie au sein du festival ? François Cheval, à nouveau, s’indigne, face à une histoire de la photographie qu’il qualifie de « révisionniste ». Lors d’une discussion avec la critique d’art Natacha Wolinski, le mot est lâché. Le ton aussi peut être de ce sur quoi la relève devra plancher.
« Is it true for me or is it not true for me ? » finit par conclure Mickael Ackerman suite à la soirée de la veille. La photographie doit-elle choisir entre rester figée et le mouvement qui l’appelle? Comme pour toute transition, l’introspection est conviée. C’est effectivement la fin d’un règne. Le roi est mort, vive le roi, dit-on …