Parmi les découvertes éditoriales présentées à Arles, voici I am playing ping pong now, de Halil Koyutürk. Le ping pong, c’est le va et vient sexuel, celui auquel s’est adonné Halil Yokuturk apres son divorce, dans une débauche de corps et de sensualité crue. Son dernier ouvrage, composé sur une dizaine d’années et mis en forme pendant trois, est son travail le plus personnel. On y retrouve son grain charbonneux, ses cadrages brutaux qui décapitent au besoin de l’émotion, ses images brûlées au flash, ses corps déchaînés, mais cette fois-ci le sien tient la place centrale. Halil Yokuturk a quitté la Turquie à la suite des répressions politiques des années 70, s’exile en Suède pour échapper à la prison et ne retourne à Istanbul qu’une vingtaine d’années plus tard pour mener par une enqueête sur le marché du sexe. Il commence par documenter les enfants violés des quartiers populaires, psychologiquement condamnés à vendre leur corps pour survivre, puis se concentrent sur les transsexuels. Il publie alors un ouvrage déroutant, impudique mais sûrement pas voyeur, intitulé TS. I am playing ping pong now est en quelque sorte la suite de cette enquête, approchée cette fois sous l’angle de l’introspection. Ces images semblent volées dans la frénésie des corps mais sont pour la majorité maîtrisées, illustrations formulées des désirs du photographe. Il déconstruit les images comme il déconstruit le sexe au cours de son immersion radicale dans le brasier des fantasmes. Les tons se cognent comme les corps s’entrechoquent, et les émotions se bousculent. Des rares instants de tendresse mélancolique — des accidents, comme les décrit Halil Yokuturk — rompent occasionellement avec le cynisme assumé du livre. Des plateaux de viande juteuse et autres aliments aux connotations explicites interrompent à plusieurs reprises le défilement des chairs. « On consomme le sexe comme la nourriture », explique le photographe. Et de fait, les femmes s’alignent sur son lit comme des sardines dans une boîte et les peaux de bananes sèchent sur une corde comme son pénis épuisé par l’ardeur. « Cru, mais sûrement pas brutal », assure-t-il.
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