Ces 44e rencontres ont débuté par celle entre Patrick Zachmann et Sergio Larrain, filmée au Chili en 1999 et projetée lundi soir au théâtre antique dans un court métrage. Si la durée du film fut, il faut le dire, assez frustrante mais annonce peut-être un opus plus riche, quelques phrases du défunt photographe ont particulièrement retenu mon attention. Ce sont des passages de lettres que Zachmann a conservé de Larrain. Des sortes de coups de gueule sur fond d’idées pacifiques, écologiques et spirituelles « pour sauver la planète et les hommes ».
Plus de dix ans plus tard, ces mots paraissent encore au goût du jour, peut-être sonnent-ils même d’avant garde, car prononcés à quelques mois du tournant visuel et technologique que représentent les évènements du 11 septembre 2001. Ils donnent à réfléchir, résonnent comme une dernière parole destinée à nous, les jeunes. « Vous (à Magnum), vous ne cherchez pas les causes, la racine des situations. Vous vous laissez emporter par la vague des évènements. Avec vos photographies, vous ne faites qu’ajouter de la confusion. Incapacité à changer les choses, à les comprendre, à les expliquer, à trouver des solutions. Nous laissons se détruire la planète et tombons dans un chao général, partout. On doit comprendre ce qui se passe si on veut modifier les choses et proposer un nouvel équilibre. Ou sinon, cela va se dégrader. Amour pour la vie, amour pour la réalité, amour pour la paix, la beauté, l’ordre, amour de l’amour. – Sergio Larrain. » Ainsi, le Chilien a laissé à Zachmann un autre héritage, un livret où trône encore au milieu d’une page blanche cette inscription symbolique : « Evolution, not Revolution ».
Cette année, à Arles, il y a un peu de Revolution, à l’espace Van Gogh, où le japonais Hiroshi Sugimoto expose sa série du même titre, même si celle ci n’a rien de politique. L’évolution, elle, se trouve au couvent Saint-Césaire, qui accueille une magnifique exposition signée Viviane Sassen, que l’on peut désormais entrevoir comme la digne héritière de Guy Bourdin. Lui qui n’est pas très loin, dans une présentation complètement méconnue de son œuvre : ses débuts en noir et blanc dans les années 50, un peu de paix dans son univers tout en provocation.
A Arles, la vie est aux ateliers, enfin au fond, au numéro 20, où Gordon Parks nous rappelle ses valeurs humanistes transposées en photographie. La beauté, elle, est également aux ateliers, dans la salle dédiée au russe Nikolay Bakharev. L’ordre, juste à côté, chez le finlandais Arno Rafael Minkkinen. L’amour, simplement dans le regard que porte Jacques Henri Lartigue sur « Bibi », sa compagne et son sujet pendant douze ans ; une série à voir à l’Église des Trinitaires. La réalité, elle, ne se trouve pas à Arles, mais plutôt à Salin de Giraud, un petit village de Camargue, théâtre ce vendredi soir de la Nuit de l’Année. La réalité, c’était le voyage interminable en bus, les chauve-souris s’écrasant sur le pare brise, les milliers de moustiques qui en ont fait leur cimetière privilégié, provoquant presque l’aveuglement du chauffeur et, évidemment, une série de photographies mais aussi de grands fous rires.
Jonas Cuénin