Géraldine Lay – LES FAILLES ORDINAIRES
Entre 2005 et 2010, je me suis régulièrement rendue dans les pays du nord de l’Europe : Finlande, Suède, Norvège, Écosse, Danemark, ainsi qu’à Paris et Beauvais. J’avais l’impression d’être à la fois dans un univers familier mais aussi d’être plongée dans un monde étrangement extraordinaire. Cette série est un mélange de portraits, d’objets trouvés et de paysages. Je photographie les passants comme s’ils étaient les acteurs d’une scène, les lieux comme s’ils étaient des décors de cinéma. Rien ne relie les villes que j’ai parcourues, seul mon imaginaire construit entre elles un récit improbable, une autre fiction. Les passants semblent jouer une pièce indéterminée, comme si chacun se mettait à vivre un songe fugitif. Ces visages croisés s’effacent derrière le rôle que mon regard leur assigne : la rue devient le lieu d’une comédie.
Jacques Damez, photographe et fondateur de la galerie Le Réverbère à Lyon, a écrit à propos d’une photographie réalisée à Turku en Finlande : « La fascination des associations, des rencontres qui font glisser le réel vers l’irréel, travaille la matière de ces failles ordinaires. Ainsi un enfant assis devant un drapé rouge dans son cadre doré nous regarde en face, le seul écran qui nous sépare de lui est celui des flocons de neige, son rêve est de devenir marin, lui qui tient fermement un petit bateau de bois dans sa main droite, et pourtant il est à jamais amarré au cadre de la peinture qui l’enferme. »