« Prendre des gens ou des choses en photo est un acte qui consiste à encadrer la réalité, à la mettre en boîte. […] La photographie, elle aussi, ligote les gens et les met dans une boîte. La photo prend sa source dans le kinbaku, dans l’acte de ficeler des choses et des événements. ». Araki
Madame Bovary enchaînée ou l’art martial d’Araki
Bandage, bondage : le jeu de mots est tentant. Mais enfin, on est loin de l’art du nœud, antique pratique de coercitions qui reposait sur une connaissance des points de pression à exercer sur le corps, discipline martiale précisément codée – de la longueur des cordes à leur couleur, de la rigueur du serrage à proportion de la gravité de l’acte –, qui dessinait une série de figures d’encordage destinées ou non, en toute fin, à la suspension du coupable. Le nœud, humiliant, devait demeurer invisible, la combinaison savante en devait rester secrète. Les peines s’appliquaient également aux hommes et aux femmes.
[…]
C’est comme si l’auteur des faits avait laissé là une signature qui lui avait échappé. Sortons Araki d’une lecture japonisante réductrice : il est avant tout un grand photographe qui fait de toute chose matière à voir. Qu’il joue de quelques pièges de nos émotions n’est pas pour nous dérouter ; si la peinture n’était rien d’autre, selon Maurice Denis, qu’une « surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », alors Araki fait de la peinture avec le médium par excellence du XXe siècle, celui qu’il a expérimenté depuis qu’il a douze ans : la photographie ; il n’appuie pas sur le bout du tube de peinture pour peindre le ciel ; de façon répétitive il peint un ciel couleur du temps en le photographiant jour après jour et en en assemblant les fragments. Il s’empare de la chair, et accroche compulsivement sur les murs des variations sur la vulve, sur les cuisses, sur les fleurs, matière picturale par excellence. Il passe du flou au plus net, il se coule d’une texture à une autre, il sature ou semble dépolir l’image savamment. Surmontez le réel qui n’en est plus un à force d’outrance et laissez-vous saisir par le pur spectacle plastique de son travail photographique.
(Extrait du texte de Sophie Makariou issu du Catalogue de l’exposition)
EXPOSITION
Araki
Du 13 avril au 5 septembre 2016
Commissariat : Jérôme Neutres et Jérôme Ghesquière
Musée national des arts asiatiques Guimet
6, place d’Iéna
75116 Paris
France
http://www.guimet.fr
CATALOGUE
Araki Nobuyoshi
Une coédition Éditions Gallimard / musée national des arts asiatiques – Guimet
Sous la direction de Jérôme Neutres
Relié, 304 pages, 719 illustrations
Prix de vente : 39,90 euros
ISBN : 978-2-07-017955-8