Native Sea. (Il Mare Originario)
Ma mer natale.
Je ne pensais pas que c’était possible. Mais quand mon fils enfant me demande d’aller nager avec lui, je le regarde et sens sur ma peau ce que j’ai ressenti enfant dans ma mer natale. Aucun endroit sur terre n’a autant façonné mon cœur que cet endroit, où le pays de la lave noire rencontre la mer Méditerranée dans une orgie de gloire.
Et c’est pourquoi, même si j’ai grandi dans la partie la plus chanceuse du monde, en Europe, la forme de mon cœur – j’en suis sûr – ressemble plus à celle des enfants de Gaza, Haïfa, Beyrouth, Simi. C’est le cœur de ceux qui ont vite appris à renoncer à la perfection et à subir de plein fouet la splendeur et la misère, la béatitude et la dureté de notre monde.
Je vois mon fils lutter contre la peur et franchir cette frontière entre la terre aérobie à laquelle nous appartenons et l’immense silence de ce vaste bleu où nous pouvons nous aventurer mais pas survivre longtemps. Je ressens ces leçons sans mots faites d’odeurs, de sons, de danses de lumière que j’ai connues sur ma peau à son âge exact. On sort parfois de l’eau, en ville : le marché aux poissons – avec sa force sensuelle – le bazar – histoires d’économie transnationale et d’exil, d’industrie et de nostalgie – la procession religieuse de Notre-Dame de la Mer. Tout parle d’un effort constant pour survivre. Horrible et exaltant. Anonyme et herculéen. C’est le pays où rien n’est parfait.
Mais ensuite, nous revenons toujours à la frontière entre la terre et l’eau, entrant et sortant. Et puis, à nouveau.
J’en vins bientôt à aimer la majestueuse indifférence de la mer à notre sort humain. Ainsi que son potentiel pour devenir un compagnon formidable pour nos rêves, aventures, chutes, vols.
Quand je ressens »un mois de novembre dans mon âme », je retourne dans ma mer natale. Quand l’avenir me fait trop peur, je retourne dans ma mer natale. Quand je perds ma route ou mes forces, je retourne dans ma mer natale. Et plongez dedans.
Antonio Denti
Catane, Sicile (2022)