Une nostalgie du désert (Royaume de Bahreïn)
L’économie pétrolière – avec son énorme richesse (une bénédiction et une damnation) – a tapissé l’immense désert arabe de la péninsule de tours de verre et de gratte-ciel remplis d’air conditionné, de néons et de panneaux publicitaires, de parcs d’attractions et de centres commerciaux comme des palais. Au-dessus du désert courent – comme des veines – des tuyaux et des autoroutes, avec leur flux constant de pétrole et de camionnettes, de voitures électriques, de Lamborghini et de Range Rover.
Sur la petite île de Barhain, vous pouvez les voir depuis la fenêtre de votre voiture en mouvement au crépuscule : hors de la route, rassemblés en petits groupes, regroupés autour d’une minuscule ampoule alimentée par un moteur de voiture ou autour d’un feu de joie. Ou près d’un puits de pétrole allumé. Ils sortent des routes dans les petites parcelles de désert à gauche, entre les autoroutes et les bâtiments. Petites plaques, petits interstices de sable. Ou des plus grands. Toujours entouré de ville. Ils y vont quand l’air se rafraîchit, les soirs d’automne et d’hiver. D’octobre à février. La température à Bahreïn atteint 50 degrés en été.
Ils y vont, choisissent un emplacement, garent les voitures comme dans un caravanserraj, posent les tapis et restent. Ensemble. Thé. Narguilé. Pas de musique, pas de télévision. Certains parlent. Beaucoup de silence.
C’est comme si cela devait être dans la péninsule depuis des millénaires. Ici, les gens sont plus attirés par le désert que par la mer lorsqu’ils ont besoin de passer du temps avec eux-mêmes et avec ceux qu’ils aiment.
La ville moderne continue de broyer la vie tout autour mais ils ne la voient pas. Ensemble, assis sur leurs tapis « volants » dans les petites parcelles de sable gonflées par la ville, parlant à voix basse, sans précipitation ni facture à payer, ils semblent avoir fait revivre leur immense désert ancestral. »
Antonio Denti
