Un violon au bout du monde
»Un violon au bout du monde » est un carnet de voyage photographique réalisé lors du voyage du Pape François dans le Pacifique Sud en septembre 2024. J’ai eu la chance d’accompagner le convoi papal durant son voyage. »Un violon… » est obtenu en suivant systématiquement François mais en tournant constamment l’appareil photo à 180 degrés de lui, pour essayer de capturer ce qu’il a vu dans les pays lointains qu’il a visités, l’humanité qu’il a vue et le monde qui s’est constamment dévoilé devant ses yeux au fur et à mesure qu’il s’y déplaçait, en voiture, en papamobile ou en chaise roulante. Le pape lui-même – bien qu’il soit le « curseur » de cette histoire – n’apparaît jamais dans le projet.
Les raisons profondes pour lesquelles le Pontife vieillissant – souffrant d’une mauvaise santé et d’une mobilité réduite – a décidé de voyager à l’autre bout du monde, vu du Vatican, ne sont connues que de lui-même. J’imagine, arbitrairement, que pour lui – un Argentin qui s’est présenté comme un pape choisi au bout du monde – il s’agissait peut-être d’un voyage significatif vers une version puissante des nombreuses extrémités physiques et métaphysiques du monde. Et une façon de s’interroger – lorsqu’on parle d’humains – sur la façon de définir la fin et le début.
Il n’est pas surprenant que, pour résumer mes images de ce que le pape François a vu, le sédiment soit principalement constitué de visages humains. Cela me fait penser à un conte mémorable de Jorge Luis Borges sur un homme qui a passé la majeure partie de sa vie à essayer de dessiner le monde, traçant sur le papier une infinité de batailles et de navires, de héros et de méchants, de montagnes et de rivières, pour s’apercevoir, une fois âgé et proche de la fin, qu’il avait en fait dessiné un portrait fidèle de son visage. Le visage humain résume en effet les histoires complexes, les nombreuses guerres, les sentiments de chaque pays. Ainsi que les sentiments les plus profonds, l’amour, la défaite, la joie, le désespoir et l’espoir des individus qui habitent ce pays. Là où nous étions, la puissance des liens tribaux, la dure histoire de l’exploitation et de la domination coloniales, les racines les plus profondes et la musique d’un violon – un instrument baroque né en 1600 en Europe – tout cela s’est mélangé et c’est ce qu’a dû voir ce visiteur un peu spécial.