Antoine Martin nous envoie son portfolio Miami, not the Beach accompagné de ce texte.
Allapattah est un quartier populaire de Miami, en grande majorité cubain et latino, coincé entre le très touristique quartier de Wynwood et l’aéroport. Bien qu’appartenant au même comté, Miami et Miami Beach sont en fait deux villes bien distinctes, avec deux maires et deux histoires. La première devient officiellement une municipalité dans les années 1890 et l’autre est créée autour des années 1915.
La série « Miami, not the Beach » a pour point de départ la « Esquina de Abuela » (le coin de la grand-mère) à Allapattah, une sorte de squat, à mi-chemin entre lieu artistique éphémère et centre culturel, organisant des événements pour et avec les communautés locales. Dans une métropole où l’aménagement urbain et le besoin constant de voiture ne favorisent ni les rencontres ni la création d’une vie collective, Esquina de Abuela est la porte d’entrée vers une ville bien différente de l’imagerie attachée à la péninsule-phare du bord de mer.
Le travail s’étend à mesure que je découvre Miami, chaque fois que je suis introduit à quelqu’un par quelqu’un. De nouvelles personnes m’emmènent vers d’autres quartiers historiques comme Liberty City, Overtown, Little Haïti ou encore Little Havana, et parfois ces rencontres donnent lieu à de nouvelles photographies.
Du centre à la périphérie de cette ville multiculturelle et multigénérationnelle, l’entre-soi familial et social est souvent privilégié, amenant à se détacher du reste du tissu urbain, voire du voisinage. Ce travail interroge la possibilité d’aller vers l’Autre – autant moi vers eux, qu’eux entre eux – en opposant vivre ensemble et entre-soi, dans une société encore très ségréguée. Ces groupes – Latinos, Afro-Américains, Caribéens – occupent leur territoire et se transforment au gré des influences, des flux migratoires, des processus de ségrégation, composant, à l’intérieur, autant de mondes à huis clos. Cette séparation est renforcée par le port d’armes à feu, ou par l’adoption de chiens réputés agressifs comme les pitbulls, illustrant un désir de constamment se protéger d’autrui et de le maintenir à distance.
Cependant Miami et Miami Beach partagent un problème commun : le réchauffement climatique. Alors que Miami Beach se situe au niveau zéro par rapport à celui de la mer, les quartiers populaires de Miami culminent à six ou sept mètres plus haut. Les promoteurs immobiliers y investissent en masse car ces quartiers sont mieux protégés des inondations et leur viabilité plus pérenne. Cela engendre des phénomènes de gentrification à grande échelle. Beaucoup de lieux photographiés ici risquent de disparaitre, beaucoup de personnes de se voir déplacées dans les années à venir et avec eux une certaine culture populaire dont ces photographies gardent traces.
Antoine Martin
www.martinantoine.com
@antoinemartiin