« De 2010 à 2015, j’ai voyagé à travers l’Europe et les Etats-Unis en auto-stop avec le but de rencontrer ces hommes et femmes qui ont fait le choix radical de vivre loin des villes, en rupture avec un mode de vie qu’ils considèrent bien souvent comme étant obsédé par le rendement et l’efficacité et qui aurait la consommation pour seul horizon.
Dépourvu d’itinéraire précis, forcé par les rencontres et le hasard, ce voyage aura pris à mes yeux le sens d’une quête initiatique finalement similaire à celles de ces familles. Dans ce travail, c’est moins une profondeur politique et théorique que j’ai cherché à sonder qu’une pratique quotidienne et immédiate, d’où une certaine nécessité d’opérer un travail de détachement face à des images qui nous forcent pourtant à nous positionner.
L’hétérogénéité des lieux et des situations rencontrées nous montre en effet le magnifique paradoxe de la poursuite d’une utopie par des tâtonnements empiriques permanents. Constructions instables, récupération et détournements astucieux, ou encore applications de théories agricoles hétéroclites donnent ainsi à voir la richesse des trajectoires humaines. Les stratégies déployées visent à une plus grande indépendance énergétique, alimentaire, économique ou sociale. Il y a là comme une réponse spontanée aux sociétés que ces « néo-ruraux » ont quittées mais dans certains cas, le doute et les incertitudes planent. L’espace a ainsi beau être exploité, il n’est jamais soumis ; le temps, lui, a perdu sa linéarité tendue pour devenir un rythme lent et réfléchi. Plus de tic-tac mais le ballet des jours et des nuits, des saisons ou des cycles lunaires. (…) »
Antoine Bruy
Antoine Bruy – Scrublands
Jusqu’au 22 juin
Galerie Le Carré d’Art – Centre culturel Pôle Sud
1 rue de la Conterie – BP 37604
35131 Chartres de Bretagne cedex