Le père d’Aneta Bartos est un body-builder passionné. Il a demandé à sa fille de l’immortaliser dans les poses de compétition de fitness et en Speedo. Cette pratique sportive le rend heureux et il voulait qu’on conserve de lui des poses de beauté classique grecque idéale qu’il cultive encore.
L’artiste trouva là un sujet idéal pour sa nouvelle série aussi provocatrice qu’innocente et elle le scénarise dans les lieux où elle passa avec lui son enfance avec en corollaire des remontées presque inconscientes de souvenirs. Celles d’une petite ville de Pologne au milieu des forêts et le père fut modelé par sa culture rurale sous le régime politique communiste. Tenant d’une vie « naturiste » et adepte de nourriture biologique il a toujours gardé un corps jeune plein de vitalité et d’énergie.
Les photos de cette série sont pleines de marges de clairs obscurs. Les corps du « couple » – Bartos s’introduit dans cet hommage moins oedipien qu’il pourrait le sembler se perd en une lisière indécise. Les ondes y sont parfois pudiquement biffées. Mais pas forcément. Chaque photo mixe l’état d’éveil et de rêve là où la femme semble saisie d’une langueur ineffable tandis que l’homme joue le catcheur ivre, en ressemblant parfois un Mussolini postmoderne.
Le voyeur y est soumis au piège des images, à leurs labyrinthes plus qu’à leurs évidences. Il est lui-même emporté à l’hôtel des songes. Tout demeure pourtant impénétrable. La femme et l’homme semblent prisonniers consentants de leur propre « jeu ». Un doute demeure présente. Que veulent-ils faire au « juste » ? Ce qui les tient écarté mord en sourdine. L’image n’a rien d’une ombre passagère. Elle rapproche et éloigne. L’absence n’est pas expansive mais devient la délectable contraction du temps.
Tout reste sensuel mais subtilement décalée. Le couple joue : elle s’amuse avec lui s’insérant dans cette complicité. Elle suggère un plaisir, une tendresse qui peuvent naître entre les êtres en multipliant exhibitions et jeu de cache-cache. Tout est troublant, drôle, dérisoirement cérémoniel. L’artiste allie l’ascèse du tigre à l’exubérance de l’escargot pour entamer des prises qui sculptent les corps là où la sensualité prend des formes paradoxales.
Jean-Paul Gavard Perret
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