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Andreas Gursky, The best of times

Preview

C’était à l’occasion de la rétrospective Andreas Gursky organisée au MoMA en 2001. En cet instant décisif, je croisai pour la première fois le chemin de l’artiste. Je tombai en effet sur May Day II, 1998, un panorama de rave party. Je m’arrêtai net. En vérité, sur un plan technique, le travail n’était pas parfait, avec une pixellisation excessive dans les coins et des lumières qui rebondissaient maladroitement sur le Plexiglas, mais le résultat était proprement stupéfiant et je le reçus comme un coup de poing dans le ventre. J’hésitai un moment, avant de le fouiller du regard, encore et encore, le balayant toujours plus largement avant de m’approcher, puis de reculer, m’efforçant de saisir toute l’image.

Son impact était phénoménal et je me dis que c’était certainement cela que ressentaient les gens – du moins ceux qui l’appréciaient – lorsqu’ils entendaient l’ouverture du Sacre du printemps de Stravinsky, ou lorsque leur regard tombait pour la première fois sur le résultat du dripping de Jackson Pollock. Et d’ailleurs, un peu plus loin, je découvris Untitled VI (1991), vision littérale de Gursky sur Pollock.

Même après ces découvertes, je n’étais pas préparé à l’impact d’Ocean VI (2010), gigantesque vortex bleu disposé au centre de la récente exposition de l’artiste, Not Abstract II, organisée chez Gagosian, dans sa galerie de la 21st Street.

Téléportation.

Bim, bam. Étourdissement. Je suis en transe.

Il y a là trois œuvres de la série Untitled – XVIII, XX et XIX. Datés de 2015, ils ressemblent à des champs de tulipes qui évoqueraient Agnès Martin sous acide. Qui sait ce que sont réellement ses sujets ou quel est son cheminement – et peu importe. Monsieur Gursky parvient à relier tous ces objets éblouissants grâce à la photographie aérienne, ou peut-être à Photoshop – encore une fois, qu’importe, ce n’est pas pertinent. C’est sa magie qui compte.

Régalons-nous d’être abasourdis.

Gursky dit de ses photographies qu’elles ne sont pas abstraites. Qu’on peut toujours parvenir à les identifier. Et que d’une façon générale, la photographie ne peut tout simplement pas se détacher de l’objet. Il a raison. Son œuvre récente, Les Mées (2016), met en image des panneaux solaires. Mis en valeur par l’herbe verte et le ciel clair, ces rangs interminables de rectangles rigides noirs et blancs, semblables à des dominos, tapissent des collines ondulantes, créant un paysage contemporain indiscutablement romantique.

Qatar (2012), son intérieur doré, est tout en luxe, gauche et sublime.

Variations sur son classique 99 Cent Store, Mediamarkt (2016) et Amazon (2016) rappellent toute la maîtrise de Monsieur Gursky.

Gursky a travaillé ici avec un artiste spécialiste des arts sonores, obtenant un résultat appréciable, quoique sans doute superflu. On cherche à identifier les effets sonores, comme si ces œuvres géantes étaient dotées d’un cœur palpitant – ou d’une plomberie défectueuse.

Cette exposition est plus que mémorable. On y voit une œuvre politique, In Rueckblick/Review (2015), qui présente quatre chanceliers allemands vus de dos, en train de contempler le champ rouge du Vir Heroicus Sublimis de Barnett Newman. Plus loin, sont installés deux Superheroes in Eden, SH I et SH IV (2014), images amusantes imprégnées de romantisme et d’héroïsme. On y trouve également quelques pièces totalement indéchiffrables, comme imprimées à l’imprimante à jet d’encre et qui semblent avoir échappé à la poubelle. Indéchiffrables certes, mais à 30 000 € pièce tout de même.

Reprenant à son compte le célèbre défi lancé par Serge de Diaghilev à Jean Cocteau, « étonne-moi ! », Gursky en est sorti vainqueur.

L’éventail des prix grimpe pour atteindre 600 000 €. Le problème n’est pas tant de trouver l’argent, mais ceci fait, de trouver l’emplacement idéal pour accrocher l’œuvre.

W.M. Hunt

W.M Hunt est un collectionneur de photographies, commissaire d’expositions et consultant qui vit et travaille à New York. Il est professeur à la SVA et est membre du conseil d’administration du Fond W. Eugene Smith. Son livre intitulé « L’Œil Invisible » (publié par Aperture) issu de sa collection personnelle est l’une des plus intrigantes compilations de photographies.

 

Andreas Gursky, Not Abstract II
Exposition close le 23 décembre 2016
Gagosian Gallery
522 West 21st Street
New York, NY 10011
USA

http://www.gagosian.com

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