En 1936, engagé par l’agence Keystone, Kertész (1894 – 1985) quitte Paris pour s’installer aux Etats Unis. Son arrivée à New York est difficile, hormis quelques publications dans Vogue et Harper’s Bazaar, il peine à retrouver sa place avec des commanditaires aux exigences très éloignées de sa pratiques de ses années parisiennes. En juin 1939, il voit une occasion de renouer avec ses succès parisiens pour Vu avec la commande d’un reportage sur le port de New York pour le magazine Life. Pendant deux mois, il va arpenter le port, s’intéressant à la vie des marins des remorqueurs et des pilotes du port. Il assiste à l’arrivée du Normandie et du Queen Elizabeth qui se livrent une bataille sans fin pour le titre du navire de ligne le plus performant entre New York et l’Europe. Empruntant un dirigeable, il photographie aussi l’accostage des paquebots dans le port. Il remonte l’Hudson et décrit les installations portuaires du New Jersey. Quand il présente son reportage à Life à la fin du mois d’août, il propose près de deux cents images exécutées à la chambre et au moyen format. Chacune des images est légendée et l’ensemble propose un circuit très détaillé du plus grand port de la côte est des Etats-Unis. Malheureusement, avec l’entrée en guerre de la France et de l’Angleterre contre l’Allemagne nazie le 3 septembre, le magazine décide de ne pas publier ces images qui ne cadrent pas avec l’actualité. Pourtant, à la fin de sa vie Kertész dira, à propos de ce reportage« au Magazine Life, ils m’ont dit : « Vos images parlent trop. Nous avons besoin de documents. Nous avons des journalistes pour écrire le texte qui va avec ». Cet échec amorce des années difficiles pour le photographe qui ne parvient pas à faire comprendre sa photographie au marché américain. Les images du port de New York ne seront publiées que quelques années plus tard dans différents magazines comme Eelk ou dans the Compass, luxueux magazine de la Socony-Vacuum Oil Company. A chacune de ces occasions, le propos des « tugboat stories » sera resserré sur la vie des marins des remorqueurs qui rappelaient à Kertész ses années de collaboration avec Vu.
M.R.
