Ben Schonzeit est né à Brooklyn en 1942. Il a développé très jeune une passion et un talent pour la peinture et la composition. Elève de la Cooper Union de New York, il a bénéficié d’une formation artistique de grande qualité, étudiant d’abord l’architecture avant d’obtenir son diplôme des Beaux-arts en 1964. Dans les années 1960 à Manhattan, Schonzeit a été l’un des pionniers de la scène artistique de SoHo, devenant dans les années 1970 le plus jeune des treize premiers artistes photoréalistes, parmi lesquels Chuck Close et James Rosenquist.
Débutée par un ensemble d’œuvres peintes avec raffinement, aux couleurs vives et basées sur ses photos prises dans le centre de Manhattan, la carrière de Schonzeit a éclot dans les années 1970, au moment où le Photoréalisme prenait son essor. Le terme de « Photoréalisme » désigne une façon de peindre, inspirée par la précision et le réalisme photographiques : c’est pourquoi la photo a toujours été prépondérante dans la pratique artistique de Schonzeit. Il a su révéler le potentiel esthétique des objets du quotidien, en reproduisant certaines photos sur des toiles en grand format, peintes avec une grande minutie.
Depuis le milieu des années 1980, Schonzeit invente et photographie des installations picturales particulièrement ingénieuses, ayant souvent pour toile de fond ses propres tableaux. Il a produit une étonnante série de tirages photographiques qui utilisent le procédé alternatif du lipochrome. Dans une série récente, il place de gracieux bouquets de fleurs sur fonds de toiles de maîtres de la peinture moderne (Monet, Degas, Watteau), créant ainsi un dialogue artistique entre l’histoire de l’art et la nature morte contemporaine.
Sara Tasini : D’après vous, d’où vient votre talent artistique ?
Ben Schonzeit : Honnêtement, je pense que c’est génétique. Ma mère était chanteuse et mon père, qui était dans le commerce de meubles, avait un très bon œil. Il y avait toujours des objets intéressants à la maison. On avait aussi une petite collection de peintures de grande qualité, principalement hollandaises et américaines. En plus de ça, j’ai d’une certaine façon toujours été artiste. A 3 ans, je dessinais mieux que la moyenne des autres gamins. Eux dessinaient des personnages en bâtons quand je faisais déjà les contours. Plus tard, à l’âge de 5 ans, un accident m’a fait perdre un œil. Je passais mon temps à dessiner à la maison pendant que les autres jouaient dehors. Cela a développé mon acuité visuelle et ma capacité à travailler seul. Comme beaucoup d’artistes, j’ai connu un traumatisme qui a fait naître en moi le besoin de m’exprimer.
Comment vivez-vous le fait d’être catalogué peintre « photoréaliste » ? Et que pensez-vous du fait de coller des étiquettes aux artistes en général ?
Je déteste qu’on dise que je suis un peintre photoréaliste, mais j’admets peindre parfois dans ce style. Le fait que mes toiles ressemblent à des photos ne m’intéresse pas. Je considère la photo comme une réserve d’idées pour mes toiles, un objectif à travers lequel voir le monde, un point de départ. Je préfèrerais être catalogué simplement comme un artiste qui travaille la peinture, la photographie, le dessin, etc. Un artiste catalogué, en général, c’est un outil marketing. Les étiquettes, même si je les déteste, peuvent être une clé de compréhension d’une œuvre et révéler des points communs entre certains artistes. Elles peuvent aider à montrer de quoi traite une œuvre, permettre un regard plus pertinent.
Quand vous peignez, regardez-vous toujours des photos ou des objets en trois dimensions ?
Je travaille habituellement à partir de photographies. Il est rare que je travaille à partir d’objets réels, même s’il peut m’arriver d’en avoir en face de moi, comme référence pour une couleur ou une forme.
Qu’est-ce qui a inspiré les séries photographiques de natures mortes aux fleurs ?
Je cherchais un sujet neutre et coloré que je pourrais ordonner comme je voulais. Les fleurs m’ont permis de créer quelque chose de nouveau, que j’ai fabriqué, imaginé et structuré moi-même, dans mon studio. Elles sont devenues des juxtapositions synthétiques qui font naître une expérience visuelle. Ce sont des sujets, mais sans contenu thématique : tout n’est que couleur.
Comment choisissez-vous les tableaux spécifiques qui vous servent de toiles de fond, parmi les œuvres de Watteau ou de Ballerina Rose ?
Principalement pour leur couleur et leurs détails. Les grands peintres impressionnistes étaient avant tout de grands coloristes. C’est peut-être aussi pour moi une façon de saluer une peinture que j’admire, en suggérant une continuité et une universalité des peintres dans l’histoire. J’utilise ces œuvres que j’admire comme point de départ à une recontextualisation.
Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été artiste ?
Musicien, architecte, ou designer de mobilier.
Cet entretien intègre une série menée par la Holden Luntz Gallery, basée à Palm Beach, en Floride.
Entretien par Sara Tasini
Holden Luntz Gallery
332 Worth Avenue
Palm Beach, FL 33480
Etats-Unis