La foire Also Known as Africa (AKAA du 9 au 11 novembre au Carreau du Temple à Paris), clôturait la semaine dernière sa quatrième édition. Étant moi-même exposante au sein du nouvel espace Botho Project Space qui présentait les travaux de Nelson Makamo, j’ai pu m’imprégner des différentes propositions des galeries et cet article vise à vous faire part de mes coups de cœur photographiques de cette édition.
Tout d’abord le travail du talentueux Justice Mukheli. Jeune photographe sud-africain, il a grandi dans le quartier de Soweto à Johannesburg et a souhaité axer la série présentée sur les enfants, leurs émotions et le caractère intimiste de celles-ci. Il part du postulat que dans beaucoup de sociétés, et notamment celle dans laquelle il a grandi, la tristesse et la vulnérabilité sont des émotions que dès le plus jeune âge on déconseille aux hommes de montrer sous peine de paraître faible et de ne plus répondre aux attributs virils qu’ils sont supposé incarner. Il a donc, à travers son objectif, été chercher ces émotions qu’on lui avait dit de ne pas exprimer dans le regard des enfants. Déculpabiliser et tendre vers une nouvelle réalité, une certaine tranquillité, grâce à l’intelligence humaine inhérente à l’innocence des enfants. (Présenté à AKAA par la Dyman Gallery)
J’ai également découvert le travail de Prince Gyasi (présenté par la galerie NIL). Du haut de ses 24 ans, ce photographe ghanéen offre des images graphiques saisissantes. À l’instar des grands peintres du XXème siècle il joue avec les aplats de couleurs, les contrastes et nous fait ainsi revisiter avec beaucoup d’esthétisme les relations humaines qui unissent ses personnages, la paternité, l’enfance, la maternité… Toutes ces photographies sont prises à l’Iphone. Un élément fort de sa démarche qu’il souhaite revendiquer pour casser les codes et les conventions artistiques et sortir d’un certain élitisme photographique. Accra, son terrain de jeu principal, capitale du Ghana est aussi la ville qui a vu naitre son association « BoxedKids » (les enfants coincés dans une situation de laquelle ils n’arrivent pas à s’extirper) une organisation a but-non lucratif qui a pour objectif de soutenir l’éducation des enfants non privilégiés de Jamestown, à Accra.
La galerie Artco présentait le travail de l’artiste plasticien Saïdou Dicko, un travail poétique, chargé d’histoire et de symbolique. Elevé en tant que berger au Burkina Faso, l’artiste joue avec les symboles de son héritage Foulani. Dans la série « The Shadowed People », il insère au dessus de ses personnages le damier des tapis peul, « une invitation au voyage » comme le dira Astrid Lepoultier dans son texte « Pérégrinations imaginaires d’un enfant peul » sur le travail de l’artiste. Les personnages représentés, ces ombres sans visages font parties intégrantes de son travail. Petit il apprend à dessiner en collectant les ombres autour de lui et celles-ci resteront au cœur de plusieurs de ses travaux. Sur un fond d ‘écologie son travail sensible nous fait voyager, et laisse la porte ouverte à de nombreuses interprétations.
YCOS, galerie parisienne, présentait la série « Black Volta (Mouhoun) » du photographe Adrien Bitibaly. L’artiste autodidacte, pour cette série, a travaillé autour du fleuve Mouhoun au Burkina Faso, de sa symbolique et de sa qualité fédératrice. L’eau comme élément vital, « le reflet comme intermédiaire » nous dit l’artiste, ainsi il capture les silhouettes, entre sphère publique et sphère privée. En redescendant le fleuve de Dédougou jusqu’à Nako il témoigne de la vie autour du fleuve et de la cohésion sociale que celui entraine tout en laissant place à l’imaginaire.
Et enfin, dans un autre registre, la Fondation Josef and Anni Albers (Thread) qui reconstitue (avec l’association Xaritufoto) un fond d’archive du photographe Roger daSilva (1925 – 2008) présentait des photographies inédites du ce dernier, jamais présentées en dehors du Sénégal. Né au Bénin, ce photographe a capturé la bouillonnante vie Dakaroise, sa ville d’adoption, dans les années 50 – 60. Saisissant ainsi une époque de grand optimisme, à l’aube de l’indépendance du Sénégal (4 avril 1960), il nous donne à voir les scènes de vies de l’époque, les fêtes et rassemblements familiaux, mais aussi des personnalités publiques importantes telles que Léopold Sédar Senghor.
Anna Reverdy