Avec leur texture veloutée, les vintages d’Alma Lavenson sont ancrés dans une époque, les années 30 et 40, dont elle saisit en plans serrés les détails architecturaux et, plus distinctement, l’environnement industriel. Sa galerie de rouages et autres mécanismes de métal ou de bois, réalisée principalement vers la fin des années 20, affirme le goût de la photographe pour les compositions géométriques qu’elle développera plus tard dans les régions rurales des Etats-Unis, capturant les lignes verticales ou horizontales des façades ou barrières dans une recherche de l’abstraction. Son intérêt pour l’univers marin, avec ses voiles, cordes, barres et autres motifs strictes semble reposer sur cette obsession des formes. Un goût qu’elle développe par un travail précis sur la lumière, faisant de l’ombre un élément à part entière de ses compositions. Le sombre devient couleur dans une approche assez picturale de l’image : le vent unilatéral a fixé la neige sur un seul flan d’un arbre robuste, ne laissant des branches et feuilles que de fines lignes noires découpant le ciel avec la délicatesse de l’encre dans les estampes japonaises. Dans cette photographie s’opposent délicatement le noir et le blanc. Si la géométrie est un aspect essentiel de l’écriture de Lavenson, elle n’en est pas moins poétique. Comme les modernistes, la photographe a réalisé quelques expérimentations autour de la nature, fleurs observées de près jusqu’à n’être plus que courbes aux rondeurs et au toucher sensuel. L’iris déploie ses pétales avec expressivité, ses dessins imitant des veines gorgées de sang, les gouttes de la rosée évoquant une sueur estivale. On sent presque la fleur battre timidement au milieu de ses longues tiges aiguisées. Il y a une étonnante chaleur dans les images de Lavenson, comme dans ce plan serré sur les mains d’un graveur : mise en abime de la gravure et, par extension, de la photographie, l’ombre de l’artisan envahit l’arrière-plan, présence lyrique de la personnalité inhérente a toute création, métaphore de la consubstantialité de âme et du geste mécanique.
Laurence Cornet
Alma Lavenson
Jusqu’au 1er juin 2013
Gitterman Gallery
41 East 57th Street, Suite 1103
New York, NY 10022
USA
T: 212.734.0868