Cette jeune photographe s’est immiscée dans le quotidien de ces Américains qui, écœurés de la malbouffe, ont fini par créer leur propre ferme. Après avoir développé un regard documentaire, elle a réalisé un travail plus artistique sur le poulet, l’animal que l’industrie alimentaire produit avec dédain.
Ces images là dépeignent une Amérique consciente. Certes, les chaines de restaurations rapides sont encore légion au Etats-Unis, mais Aliza Eliazarov témoigne, avec ses images, d’une mouvance jeune et écolo, prête à faire des sacrifices financiers pour mieux manger. Un projet qui part d’une interrogation personnelle : « Devais-je réellement manger des œufs bio ou pas ? »
Une grande partie des photographies d’Aliza Eliazarov n’ont pas seulement été prises en campagne, où des citadins se sont délocalisés pour créer leur propre ferme, mais aussi en ville. Une pratique qui a fait des émules l’année dernière lorsque une ferme grandeur nature, l’Eagle Street Rooftop Farm, a vu le jour sur un toit new-yorkais. « C’est en écoutant certains gens autour de moi que j’ai pris conscience d’un désir de retour à la terre, se rappelle la photographe. Aux Etats-Unis, il existe désormais une demande au droit de cultiver sa propre nourriture. »
La majorité de ces nouveaux agriculteurs – un peu branchés, un peu bohèmes – ne sont pas issus de familles d’agriculteurs traditionnels. « Ce sont des jeunes, éduqués, qui ont choisi cette activité par intérêt et ont parfois suivi des programmes spécialisés en développement durable », explique Aliza Eliazarov. Chacun d’eux élève ses poules ou ses oies dans un jardin, une cour, à l’abri des immeubles ou du bruyant métro aérien.
Malgré leur forte concentration sur la côte Est du pays, la photographe a voyagé à travers tous les Etats-Unis pour les rencontrer, du New Hampshire au New Jersey, en passant pas la Caroline du Nord ou Los Angeles. Si bien que pour dialoguer et partager leurs techniques, ces néo écolos se retrouvent sur Facebook, Twitter ou publient leurs prouesses sur des blogs.
Des poules sur fond noir
Le web, Aliza Eliazarov y surfe aussi. C’est sur Meetup, un autre réseau social, qu’elle a posté des annonces pour photographier des poulets, une autre facette, celle ci plus artistique, de son travail. Dans la section « volailles », plus précisément. Ses photographies d’animaux sont à la lumière naturelle, sur fond noir, quelque peu poétiques voire abstraites. « J’ai ajouté cette dose artistique dans un souci de respect de l’animal, pour qu’il ne soit plus vu comme vulgaire. Il faut qu’on arrête d’assimiler le poulet aux cuisses, ailes, ou blancs que l’on achète au supermarché ou qui arrivent dans notre assiette. » Une véritable « renaissance agraire », vous disait-on.
Jonas Cuénin
Aliza Eliazarov : Sustain
Jusqu’au 14 octobre 2011 à 92YTribeca
200 Hudson Street
New York