Le conte du jardin (texte de Lóránd Hegyi)
Moins nous voyons et reconnaissons, plus nous imaginons et créons dans notre esprit. Alessandra Calo guide le spectateur dans son univers nocturne et révèle une vision extrêmement subtile et poétique de variations illimitées de micro-réalités presque invisibles et de petits éléments apparemment insignifiants de la nature et de l’environnement humain. Le spectateur pénètre dans cet univers poétique, presque insondable, incompréhensible, de micro-réalités difficilement identifiables, paradoxalement non pas à travers la lumière mais à travers l’obscurité ; le fantasme remplace la visibilité, l’imaginaire remplace la documentation des choses. Au lieu d’une observation précise de la réalité donnée, l’imagination s’empare de ces terrains mystérieux et pittoresques de l’obscurité et de l’incertitude.
Elle semble exploiter l’obscurité pour découvrir la beauté cachée et la richesse illimitée de la complexité presque imperceptible d’un monde qui reste sous la protection de l’obscurité. Au lieu d’exposer les choses en les éclairant, au lieu de donner de la lumière à cette végétation extrêmement fine et fragile de plantes, de fleurs et d’arbres, ou aux établissements humains doloristes et vulnérables des intérieurs où tous les objets sont inséparablement liés aux gestes, aux sentiments et aux comportements humains, elle les recouvre d’obscurité et les attire ainsi dans l’orbite de l’imagination.
Dans certaines images, la disposition des objets et le traitement de la vie dans les subtiles scènes d’intérieur domestique nous rappellent une certaine tradition de la « grande peinture » du XVIIe siècle, en premier lieu la peinture de natures mortes aux Pays-Bas. Cet entremêlement de différentes mémoires culturelles personnelles et collectives, ou plus précisément, cet enchevêtrement de différents niveaux de références et d’expériences personnelles crée un univers extrêmement riche, complexe, multicouche qui est paradoxalement presque invisible, qui apparaît presque à la limite de l’intelligibilité. Plus l’obscurité énigmatique domine la réalité visuelle, plus la fantaisie libérée et l’imagination intensifiée remplissent le terrain des incertitudes et des fantasmes. Le travail d’Alessandra Calo est basé sur des expériences très personnelles, sur une sensibilité psychologique et émotionnelle profondément singulière et particulière et sur une interprétation individuelle indubitable des réalités données, qui se transmet paradoxalement de manière indirecte : moins le spectateur peut voir, plus il peut percevoir. Moins la lumière irradie les choses, plus le destinataire comprend la vie essentielle des choses. Les pages sombres de l’œuvre subtile d’Alessandra Calo « The Garden’s Tale » révèlent cette vie intérieure cachée, fragile, vulnérable, dans le domaine de l’incertitude