1. Quand et comment avez-vous commence votre collection ? Quelle a été la première photographie que vous avez achetée ?
J’ai probablement commencé sérieusement ma collection en 1996 quand j’ai eu de la chance à ma première vente chez Christie’s. J’ai cultivé un intérêt pour la photographie aussi loin que remontent mes souvenirs, j’étais inscrit au club photo de mon école et j’apprenais à y développer mes propres clichés. Lorsque je me suis installé à New York, j’ai eu de nouvelles opportunités d’en apprendre plus sur le sujet, en visitant des galeries, ou en me renseignant sur ce qui était disponible sur le marché.
La première photographie de ma collection est un cliché du poète humoriste noir Terry Southern par William Claxton. L’image est issue de l’exposition Photographs of Peace (Photographes de la paix) et le représente en train de relâcher une colombe. Elle fut suivie quelques minutes plus tard par la photographie du pied du pape par un photographe argentin. Cette image est très intéressante parce qu’elle a l’air d’être tirée sur du parchemin sacré, et si l’on regarde plus attentivement, on peut voir les chaussons Prada caractéristiques du pape.
2. Qu’est-ce que vous considérez être votre premier vrai succès de collectionneur ? Votre plus grand échec ? Quelle est votre plus grande récompense ?
Pendant longtemps j’ai recherché les photographies d’Irving Penn. En m’imprégnant du souffle qui traverse son travail et des méthodes qu’il utilisait pour créer ses chefs d’œuvre. Au moment où j’ai commencé à apprécier son travail, ses photographies de mode étaient déjà très cotées et c’est donc sur ses clichés ethnographiques que je me concentrais. Je commençais en particulier à me renseigner sur sa série Small Trades et donc quand l’opportunité se présenta, je décidais d’enchérir sur le Tree Punder issu de cette série à Sotherby’s. C’était environ dix ans avant que le Getty Museum n’organise son exposition sur l’ensemble de la série. Les trois photographies de Small Trades représentent pour moi une des pierres de touche de la collection. Elles ont constamment été exposées dans mon appartement depuis leur achat et je ne suis jamais fatigué de les regarder. Elles sont comme des capsules temporelles et restent actuelles et attractives même si soixante ans ont passé depuis que ces portraits ont été réalisés pour Vogue.
Du côté des regrets, il y a beaucoup de photographies qui m’ont échappé ; dans les salles de ventes, une certaine discipline est requise et je me fixe toujours une enchère maximum avant que ça commence, parce qu’il est très facile de se laisser entraîner par la folie de la surenchère. A de nombreuses occasions, j’ai été dominé lors d’une vente, c’est frustrant parce que j’ai eu trop souvent l’impression d’avoir raté une photographie en arrêtant juste avant la dernière offre. J’essaye de ne pas m’attarder sur ces clichés, parce qu’il y a bien d’autres opportunités qui m’attendent. Si une photographie doit m’échapper alors en général quelque chose d’autre se présente. A n’importe quel instant, je garde un œil une douzaine de photographies pour la collection. Et puis de toute façon, si je n’ai pas de chance avec une photographie, il y aura toujours une opportunité par la suite de l’acquérir auprès d’un marchand ou à une autre vente dans le futur.
3. Sur quel sujet ou sur quel thème concentrez-vous vos efforts de collectionneur actuellement, s’il y en a ?
Une partie de la collection est actuellement exposée à la Glucksman Gallery à Cork en Irlande, après une présentation initiale au Irish Museum of Modern Art l’année dernière. Le titre des deux expositions est Out of the Dark Room (Hors de la chambre noire) et représente un concept de la collection auquel je tiens fortement, appelé Out of the Dark (Hors du noir). L’idée que rien n’est exactement ce qu’il a l’air d’être. L’idée derrière l’image sort littéralement du noir. En premier lieu, une image est considérée par rapport à sa surface, mais si on n’y regarde de plus près, d’autres signes et significations peuvent être dégagés et alors l’histoire en arrière-fond peut être dévoilée plus précisément. Une image pour moi doit d’abord être plaisante à l’œil et ensuite les différentes couches de sens peuvent être discernées grâce à un examen plus attentif, comme si elles sortaient du noir.
4. Quelle est votre approche ? Vous fiez-vous à votre instinct ? Achetez-vous dans de galeries, chez des marchands d’art, à des ventes aux enchères, et/ou directement aux artistes ?
Au début, j’avais tendance à acheter plus en fonction des photographies que je pensais avoir du potentiel lors des prochaines ventes aux enchères. Avec le temps, cependant, les idées et les thèmes se sont développés au sein de la collection et maintenant je travaille en fonction de ces thèmes et de la manière dont la prochaine photographie s’insérera auprès de celles qui y prennent déjà place. Par exemple, j’essaye de me focaliser sur les photographies plus graphiques où l’image a été réduite à sa plus simple expression et réalisée selon une approche minimaliste. Comme je suis pédiatre, je me suis intéressé aux photographies d’enfants, qui forment une section importante de la collection, et plus récemment des photographies avec l’Irlande comme sujet.
J’ai acheté des photographies à peu près partout : dans les galeries, chez les marchands, dans les ventes aux enchères, et à quelques rares occasions, directement auprès des artistes. Au tout début, j’ai même acheté des photographies sur eBay !
5. Y a-t-il d’autres collectionneurs photo que vous admirez particulièrement ?
Les collections de photo sont un phénomène relativement nouveau. Celle de Samuel Wagstaff est essentielle dans ce domaine. Il a compris l’importance de la photographie comme médium à collectionner au tout début des années 70, et a réussi à élaborer l’une des collections les plus déterminantes avant que personne ne réalise sa portée. Sa collection a bien sûr formé la pierre angulaire du fonds extraordinaire du Getty Museum.
6. Est-ce que l’idée de collectionner des photographies anciennes est importante pour vous ?
Je pense que ça dépend vraiment du photographe et de pas mal d’autres considérations. En général, les travaux anciens ou les tirages contemporains sont imprimés peu après la réalisation des négatifs originaux et représentent expressément l’intention de l’artiste à propos de ces clichés, mais pour de nombreux photographes, les tirages ultérieurs traduisent plus précisément leur vision finale sur leur travail – par exemple Hernandez a tiré différemment l’Ansel Adam’s Moonrise au fil du temps. Dans ses impressions tardives, il a réussi à effacer presque toute trace des nuages autour de la lune, ce qui fait vraiment ressortir celle-ci. L’un des problèmes des impressions modernes aujourd’hui alors que certains procédés ou papiers n’existent plus, est qu’il est impossible de reproduire un tirage similaire à l’original.
En général, si l’on en juge simplement sur des critères esthétiques, une photographie ancienne est toujours préférable si elle est en bon état. Cependant, les tirages modernes qui se rapprochent du travail initial sont généralement plus abordables. Parfois il sera préférable d’avoir un bon tirage moderne que pas de tirage du tout ; une fois encore, c’est une affaire de jugement.
7. En quoi la valeur potentielle de l’investissement joue par rapport au plaisir esthétique dans vos choix d’acquisition ?
La valeur de mon investissement est moins un problème aujourd’hui, vu que je n’ai aucune intention de vendre la collection. Au contraire, je suis plus gêné par les hausses des prix rapides de certaines photographies qui les mettent hors de portée de ma bourse. D’un autre côté, c’est aussi une manière de justifier mes premiers achats a posteriori.
8. S’il y avait une seule photo que vous aimeriez avoir mais que vous n’avez pas pu acheter, laquelle serait-ce ?
Je pourrais vous dire qu’il y a beaucoup de photos que j’ai envie d’avoir dans ma collection. Celle qui me vient le plus facilement à l’esprit est une photographie issue de l’exposition de l’année dernière d’Hiroshi Sugimoto à la Pace Gallery. Une impression grand format de sa série de marines était particulièrement saisissante. La photographie en question était prise depuis les falaises de Moher, en Irlande, et représentait une de ses perspectives typiques, surplombant cette fois l’océan Atlantique, par essence un évocation vibrante et intemporelle de l’Irlande.