Après les indépendances, les villes africaines ont secoué les chapes de poussière de la colonisation et du néocolonialisme, qui avaient terni leur éclat. Avec un dynamisme et une vitalité inouïes, le jazz, le rock, le funk, la rumba, la soul, ont ouvert le domaine du merveilleux. Le paysage mental, la topographie des villes ont peu à peu intégré ce « deuxième monde » : le monde de la nuit.
Vivre « branché » c’est vivre avec son temps…
Les artistes de l’exposition « Afro Funk » s’inscrivent dans une nouvelle temporalité.
Ils recyclent et incarnent un vocabulaire et une esthétique surprenants. Aujourd’hui comme autrefois, cet « art de vivre » reflète fiévreusement l’histoire sociale de Kinshasa, Bamako, Nairobi ou Lagos.
Le célèbre photographe malien Malick Sidibé (1936-2016) a été, après l’indépendance du Mali, dans les années 1960-1970, le photographe des nuits de la jeunesse de Bamako. Pouvant enchaîner plusieurs fêtes avant de rentrer tirer ses photos jusqu’à l’aube, il réalisait aussi de nombreux portraits dans son studio, où il y avait toujours foule. Nous rendons hommage à celui que l’on surnommait « L’œil de Bamako » en exposant ses portraits et clichés inédits des 70’s.
Le jeune artiste kenyan Evans Mbugua puise son inspiration aux sources de la conception graphique et en particulier les écritures et alphabets africains. En véritable « recycleur graphique », il crée un nouveau « vocabulaire », tiré aussi bien des emballages de produits que des enseignes de rue. L’artiste souhaite redonner une seconde vie, plus colorée et plus vive, à des motifs présents dans sa culture, en particulier dans les tissus africains (wax, khangas, batik,…). Les « fixés » sous verre d’Evans fonctionnent comme des vitraux, avec ce pouvoir qu’a la lumière de révéler les couleurs du fond, leur répétition rythmique. Son écriture moderne et son style pointilliste se condense en portraits et instantanés pris dans cette turbulence de remous et d’images dont l’Afrique est le centre.
Francklin Mbungu est un artiste surprenant de la scène contemporaine congolaise. Fils d’antiquaire, il démarre une carrière d’agent d’artistes pour s’orienter ensuite vers l’art contemporain en creusant un sillon personnel, loin des traces des grands maîtres de la peinture populaire congolaise. Francklin joue du ciseau, et de la colle… Il crée des découpes particulières dans des feuilles de papier de toutes couleurs, et opère des collages sur des cartons rigides. Des personnages émergent, ici un musicien de rue, là un couple de danseurs. Des histoires se racontent…
Autodidacte inclassable, « King » Massassy n’est jamais là où on l’attend. Au début des années 1990, il figurait parmi les pionniers du rap malien. Ses textes mordants contre les esclavages arabo-musulmans et européens, le système patriarcal ou la dé-pigmentation le propulsaient avec son groupe Sofa sur la scène internationale. 10 ans plus tard, nous le retrouvons comédien. Aujourd’hui, il s’impose comme photographe. Rebaptisé « Fotolala King Massassy », il était le seul Malien à exposer aux 11e Rencontre de Bamako, la biennale africaine de la photographie. Il capture la vie, ce qu’il voit aujourd’hui, ce que ses parents vivaient à l’époque de Malick, dansant le twist et le jerk lors des nuits de Bamako. Ses portraits de musiciens ou de sapeurs portent en eux une soul qui dévoile une Afrique vibrante, pleine de joie et d’espoir.
Olivier Sultan
AFRO FUNK
25 avril – 26 mai
Galerie Art-Z
27 rue Keller
75011 Paris