Göksin Sipahioglu est mort aujourd’hui. Vive le roi! Il était considéré comme le roi en tant que photojournaliste pionnier, le roi dans les transactions d’affaires opportunes, le roi, pour flairer les news « pour faire un coup », le roi pour encadrer les jeunes talents, le roi du divertissement et le roi avec la gente féminine. Personne ne peut en demander plus. Un grand homme au talent journalistique tout aussi élevé. Il avait accueilli chaque aspirant photographe à bras ouverts dans l’agence photo à multi-millions de dollars qu’il avait construit à partir de trois fois rien avec son partenaire et confident de toujours Phyllis Springer. Il l’appela Sipa Press. Photographe turc bien connu de toute évidence, il s’est d’abord rendu à Paris comme correspondant étranger pour Hurruyet, mais il s’est vite rendu compte qu’il avait un talent pour les affaires, et une légende était née. C’était le gamin bagarreur pris dans un bloc complet de géants de l’agence photo comme Gamma, Magnum, Rapho, et plus tard Sygma. Et il les a battu à leur propre jeu, chaque jour que Dieu fait. Göksin obtint des contacts partout dans le monde, en particulier au Moyen-Orient. Il savait les joindre à tout moment et les images d’un événement particulier ou d’une catastrophe arrivaient chez Sipa, comme par magie en quelques heures, à une époque où le « numérique » désignait un de vos doigts ! Il connaissait les horaires des compagnies aériennes par cœur, il avait des messagers en stand by, il avait des hôtesses de l’air dans son personnel, son labo fonctionnait 24 heures sur 24 et des photos atterrissaient sur les bureaux de toutes les principales publications le jour suivant. Il avait battu les ténors du milieu encore une fois ! Un bon jour pour Göksin c’était de passer des heures au téléphone avec des centaines de photographes à coordonner les couvertures des news. Il n’a jamais vraiment travaillé un jour de sa vie parce qu’il aimait son métier autant que la vie elle-même. Il fut la seule personne que j’ai jamais connue pour qui aller au bureau le week-end n’était pas une vrai corvée. Sa «joie de vivre» fut tout aussi exemplaire. Les Closeries de Lilas représentaient son deuxième «bureau». Il y divertissait ses amis et ses adversaires avec les meilleurs champagnes, caviars et pâtés. Plus d’une fois je l’ai vu demander au serveur d’envoyer les meilleurs alcools à une table pleine de ses concurrents d’agences photo. Göksin Sipahioglu a inventé le mot «panache». Son goût certain pour les belles femmes était légendaire mais il était aussi bien connu pour être un gentleman doté d’un grand don de persuasion.
Je suis d’abord tombé sous l’emprise de Göksin dans les années 70 lorsque, en tant que jeune réalisateur de photos de Liaison à New York, j’ai été envoyé à Sipa pour demander pourquoi nos paiements avaient été retardés et que mes lettres n’avaient pas trouvé de réponse. J’étais prêt à passer un moment désagréable, sinon une confrontation. Je suis resté sévère, il était perplexe. «Pourquoi John», disait-il avec son accent turc en français, «je pensais que vous étiez venu à Paris pour dîner avec nous et passer un bon moment ». «Combien est-ce que nous vous devons ? » Et il se mit à ouvrir le côté gauche de son bureau où il y avait des milliers de dollars en attente d’être comptés. J’ai pensé: «Maintenant, voilà un gars avec qui je peux faire des affaires ! » Ce même tiroir avait été utilisé plusieurs fois par jour alors que de jeunes photographes couraient pour attraper un vol et se saisir des dernières nouvelles en direction des coins les plus brûlants de la planète. Göksin était un homme aimable et doux qui était complètement obsédé par l’immuable présentation old fashion des news avec les images. Ses inlassables efforts avaient illuminé notre vision du monde depuis plus de 50 ans. Son large sourire, la lueur dans ses yeux et ses chaleureuses étreintes ne seront pas oubliés, ni ses mots d’encouragement aux jeunes photographes. Göksin, l’homme et son œuvre seront gravés comme une véritable légende dans une profession aujourd’hui transformée en repaire d’affaires de MBA conspirant et d’avocats. Vive le roi!
John Echave,
Ce commentaire a été rédigé par John Echave, Producteur exécutif des Films LS / Blue Lagoon Productions