La semaine dernière, nous avons appris le décès du photographe Michael Wolf à l’âge de 64 ans. En 2017, nous avions publié ce texte par Marc Feustel.
Le photographe allemand Michael Wolf a démarré sa série Life in Cities en 2011. Le travail artistique, minutieux et culturellement inquisiteur qu’il mène sur les mégapoles constitue une véritable étude de leur architecture et de leur culture vernaculaire.
C’est à Hong Kong, où il s’est installé, qu’il a trouvé sa plus grande source d’inspiration. Le premier projet personnel qu’il y a réalisé s’intitule Architecture of Density (2003-2014). Il exploite tous les effets possibles des gratte-ciel emblématiques de la cité, en éliminant le ciel et la ligne d’horizon pour aplatir les images et transformer les façades en abstractions infinies.
Depuis 2003, Michael Wolf élabore une immense archive photographique de la vie de rue à Hong Kong. Ce corpus intitulé Informal Solutions fait honneur à la créativité ingénieuse des habitants au sein des espaces publics les plus restreints, et comprend un éventail étourdissant de fragments prélevés dans les rues de la ville. L’artiste est capable de mettre à jour la diversité surprenante de l’écosystème urbain et de capturer la beauté de l’ordinaire, tout en illustrant la façon dont les Chinois privilégient la fonctionnalité par rapport à la forme.
À Paris en 2008, Michael Wolf fait la rencontre d’une ville qui, en surface, comporte peu de signes de vie contemporaine. Sa forme statique, figée au xixe siècle par son architecture haussmannienne et alourdie par son passé photographique, le pousse à trouver une nouvelle approche. C’est ainsi qu’il investit les toits pour trouver une expression du tempérament de la ville. Les abstractions stylisées de sa série Paris Rooftops (2014) aplanissent les toits pour en faire des compositions stratifiées, au sein desquelles cheminées et antennes rivalisent et se bousculent.
La question du rôle du photographe prend toute son ampleur dans la série Tokyo Compression (2010-2013). Pour cette séquence, il braque son objectif sur les passagers captifs, entassés contre les fenêtres des métros bondés de Tokyo. Intransigeants, ses clichés s’emparent du regard de l’observateur et l’emprisonnent, tandis que de leur côté, les passagers sont eux aussi impuissants, séquestrés dans leurs cellules temporaires.
À Chicago pendant quelques mois, le photographe opère également depuis les toits pour Transparent City (2006), adoptant une approche visuelle similaire à celle qui lui a inspiré son travail architectural à Hong Kong. Les façades de Chicago donnent néanmoins un résultat très différent : la ville est bien moins dense que Hong Kong. Les images donnent ainsi l’impression d’une plus grande profondeur, et la transparence des gratte-ciel de verre permet à la vie qui s’y déroule de filtrer vers l’extérieur.
Marc Feustel
Marc Feustel est écrivain, éditeur de textes et commissaire d’exposition indépendant. Il vit à Paris.