La mort récente de Lord Snowdon sonne la perte d’une figure aux talents multiples, dont la vie apparaît tout aussi remarquable que celle des figures les plus flamboyantes qu’il a photographiées. C’était un personnage complexe, montrant des traits de caractère en apparence contradictoires, capable d’être aussi hargneux que compatissant, aussi théâtral que modeste, et dont l’instinct créatif et l’imagination qui se manifestaient si souvent en lui avec inspiration s’ancraient dans une forte conscience sociale.
Sous le nom de Tony Armtrong-Jones, il a prouvé ses talents de portraitiste à la fin des années 1950, avant que son mariage avec la Princesse Margaret ne le rende plus célèbre que les gens qu’il photographiait. Travaillant alors sous le nom de Snowdon, il a continué à briller en réalisant les portraits révélateurs de personnages issus de toutes les conditions sociales et qui ont défini tout une époque. Ses meilleurs clichés se distinguent par l’absence de calcul, par leur sens si charmant de la spontanéité. On compte parmi les grandes réussites de Snowdon son projet de portrait de grande envergure consacré à la scène britannique artistique du début des années 1960, un tournant historique, publié en 1965 sous le titre Private View (Vue privée).
Le départ de Lord Snowdon nous rappelle de façon poignante que nous sommes désormais entrés dans le 21e siècle. La seconde moitié du siècle dernier, sur laquelle il a laissé une empreinte si forte et dont il a si bien témoigné, est aujourd’hui un chapitre de notre histoire sur lequel une page s’est tournée.
Philippe Garner
Philippe Garner a travaillé comme directeur du département photographie de Sotheby’s et Christie’s en Angleterre, avant de se prendre sa retraite en 2016.