À Toronto, la Galerie Izzy présente une rétrospective du photographe de mode Melvin Sokolsky. Le photographe américain nous parle des différents aspects de sa pratique.
Lumière ?
J’ai toujours été fasciné par la façon dont la lumière peut changer l’humeur et l’atmosphère d’une situation. Je me souviens quand j’étais enfant de ma mère allumant une bougie après le coucher du soleil et de l’excitation que je ressentais lorsque l’ambiance de la pièce changeait tout à coup, baignée dans cette lumière chaude et douce. J’oserais dire que le succès d’une image est basé sur l’harmonie entre l’idée et l’éclairage. Il y a une bonne lumière pour tout. Je fais plus d’éclairage quand je suis à demi éveillé que quand je prends des photos. Une rose, si on l’observe à neuf, pourrait être ce qui change le visage de la photographie. Les idées ne sont pas numériques.
Votre univers ?
A côté de mon lit, je garde un cahier dans lequel j’écris parfois pendant que je suis à moitié réveillé, tôt le matin, quand un rêve m’a fait pénétrer dans un lieu ou un monde que je n’ai jamais visité ni vu. Les yeux fermés, je griffonne dans le cahier et puis je me rendors.
Chimie ?
J’ai toujours été attiré par tout ce que la nature a à offrir. Il n’y a aucune plante, animal, ou créature de cette planète qui ne m’ait fasciné. Je n’ai jamais pensé qu’un être était supérieur à un autre. Je n’ai vu aucun être vivant sur terre qui soit plus beau qu’un autre, mais c’est vrai que je suis attiré par certains des habitants de la Terre plus que d’autres. En tant que photographe, je me laisse guider par mes affinités jusqu’à ce que je sois prêt à aller de l’avant et à explorer de nouveaux territoires une fois que j’ai épuisé ma vision d’un sujet donné. Je crois que les affinités personnelles sont des idiosyncrasies génétiques qui sont uniques à chaque individu. Au cours de ma vie, me laisser guider par ma vision m’a apporté de multiples surprises auxquelles je n’aurais jamais pensé consciemment. C’est cette chimie qui, je crois, constitue la force créatrice de chacun d’entre nous.
Quand on regarde une image qui a une présence unique, la question habituelle est « Comment a-t-elle été faite ? » Je suis moins intéressé par le comment et beaucoup plus par ce qui a inspiré l’image. Beaucoup de maîtres du tournant du siècle sont allés dans la chambre noire et ont traité leurs plaques de verre pour créer une palette personnelle. Aujourd’hui, la plupart des photographes sont limités à diverses pellicules toutes faites que je définis comme l’émulsion du jour. Lorsque les photographes ont renoncé à fabriquer leurs propres émulsions et choisissent des films fabriqués commercialement, la palette de certains des plus grands créateurs d’images est devenue standardisée. Même Steichen ne ressemblait plus à Steichen. J’ai toujours été intéressé par la palette de mes images et j’ai expérimenté avec beaucoup de pellicules et de techniques pour créer ma propre écriture. J’ai récemment adopté un bon nombre des outils de production qui ont évolué avec l’ordinateur et l’art du tirage. Je ne doute pas que ces nouveaux outils aideront les photographes à créer des images personnelles. Maintenant je n’ai pas besoin d’accepter les émulsions du jour comme Velvia ou Provia puisque je peux créer Melvia sur l’ordinateur.
Portraits ?
Je crois que faire le portrait de quelqu’un est une conversation muette dans un espace partagé où le sujet et le photographe se révèlent dans une sorte de danse silencieuse où les attentes grandissent. Que la fascination du photographe et du sujet inspire l’empathie ou l’antipathie, le portrait peut être instructif. C’est la mission du spectateur de décider si l’image résultante est transcendante. Nous nous regardons et rêvons les uns aux autres, et ces rêves ne se rencontrent jamais sauf dans une photographie.
Récit ?
J’ai toujours aimé raconter des histoires. Au début de ma carrière, je me suis senti obligé de raconter des histoires avec mes photos. Des histoires sur les gens qui respirent et ressentent et souffrent et rêvent. Des histoires qui explorent et créent des mondes différents dans le cadre du monde où nous vivons tous.
Melvin Sokolsky, Rétrospective
Du 19 janvier au 11 février 2017
Galerie Izzy
1255 Bay St
Toronto, ON M5R 2A9
Canada