La galerie Howard Greenberg présente une exposition magnifique et comme à son habitude, extrêmement précise et documentée. Avec l’organisation de la XIXe-Century Photography Conference and Show à New York de la Daguerreian Society, la galerie propose l’exposition thématique A New and Mysterious Art, qui explore l’utilisation des techniques anciennes par des photographes contemporains. Cet « art nouveau et mystérieux », c’est la photographie des années 1840-1860, telle qu’elle s’est développée à ses débuts avec une extraordinaire prolifération de techniques et d’innovations. L’exposition, proposée par Jerry Spagnoli, s’intéresse à leur usage contemporain et montre ainsi des daguerréotypes de Takashi Arai, d’Adam Fuss et de Craig Tuffin ; des épreuves albuminées tirées de négatifs au collodion de Stephen Berkman ; des calotypes tirés sur papier salé de Dan Estabrook ; des ambrotypes de Luther Gerlach, de Craig Tuffin et de Matthias Olmeta ; des sténopés de Vera Lutter ; des positifs de Sally Mann ; des « dessins photographiques » au sténopé de France Scully Osterman & Mark Osterman.
Comme toujours avec les techniques anciennes, on est fasciné par la fragilité et la beauté anachroniques des tirages et des prises de vue. Les sténopés et les daguerréotypes, objets uniques, ont une aura indéniable. On est loin des poncifs contemporains sur la multiplicité des images « à l’ère du numérique » et cette exposition rappelle une distinction fondamentale entre ce qu’on pourrait appeler une image et une photographie, qui est avant tout un objet avec un grain, un format, une texture de papier, un certain piqué. Leur plaisir est différent et face à un daguerréotype, il n’y a pas besoin de série, il y a une forme d’évidence qui se suffit à elle-même, une jouissance enfantine à la contemplation des détails.
On est conscient de l’aspect séduisant du recours à ces méthodes anciennes, mais à quoi bon bouder son plaisir ? Il n’est pas dû à de la nostalgique, il y a chez ces artistes un attrait, presque régressif, pour l’art comme artisanat et bricolage. Ils travaillent tous avec des techniques délicates, non-industrielles et la photographie ne se limite pas pour eux au simple moment de la prise de vue, au cadrage et à la composition. Ces techniques donnent aussi une marge poétique à l’erreur et à l’aléatoire, c’est particulièrement vrai pour Sally Mann.
L’ensemble de ces images assume une radicalité outrageante au regard d’une forme d’art contemporain surinvestie par le champ de la critique philosophisante et par le discours de l’intention de l’artiste. Elles ne viennent rien « réinterroger » et ne disent rien d’intéressant, elles sont bêtes comme tout et c’est très, très beau.
Hugo Fortin
A New and Mysterious Art
Jusqu’au 29 octobre 2016
Howard Greenberg Gallery
41 East 57th Street
New York
USA
Commissariat de Jerry Spagnoli. Avec des œuvres de Takashi Arai, Stephen Berkman, Dan Estabrook, Adam Fuss, Luther Gerlach, Vera Lutter, Sally Mann, Matthias Olmeta, France Scully Osterman& Mark Osterman et Craig Tuffin.
http://www.howardgreenberg.com/
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