Les photographes Magnum s’interrogent sur la notion de ville, à travers leurs œuvres affichées dans le métro de Paris pour une grande exposition publique.
« J’ai toujours vu les villes comme un peu exotiques et éloignées de mon expérience habituelle », explique Alec Soth, qui n’a jamais vécu dans une grande ville. Pour lui, et pour d’autres, visiter une ville peut s’avérer une pratique écrasante et étrange. « Etant né dans une petite ville très calme, j’éprouve des sensations mêlées quand je suis dans les grandes villes. Je suis à la fois fasciné et repoussé par les mégalopoles qui me rendent parfois anxieux. Cette image coïncide avec ma vision de la ville comme prison volontaire où l’on s’enferme avec d’autres – la solitude », approuve Jérôme Sessini.
Pour fêter le 70e anniversaire de Magnum, la RATP, propriétaire du célèbre métro parisien, accueille une exposition sans précédent dans toute la ville. Jusqu’au 30 juin 2017, 174 images réalisées par 91 photographes seront exposées dans 11 stations de métro. La présentation explore la ville sous tous ses aspects, montrés à des spectateurs divers dans ses espaces publics.
Certains photographes offrent une réflexion sur la nature de la vie urbaine en soi : « La ville est un lieu très concentré, grouillant de monde », dit Richard Kalvar. « Pendant quelques heures, quelques jours, j’étais un habitant encore légèrement particulier. Je restais un étranger, mais adopté et protégé par la foule », explique Raymond Depardon. Guy Le Querrec démontre la façon dont une ville crée « une musique que l’œil capte », décrivant comment son œuvre vient saisir ce son : « On ressent la présence de la ville dans le fond, on entend son bruit et le rugissement métallique du métro aérien ».
D’autres considèrent pourtant les personnalités individuelles uniques que les villes semblent contenir : « Bollywood crée des rêves pour chacun – Bombay est connue comme une ville de rêve et c’est une ville qui rêve pour tout le monde. Même lorsqu’on voyage en taxi – le décor intérieur présente des motifs et des couleurs tellement contrastés qu’on s’émerveille –, le rêve continue », explique Raghu Rai à propos de sa photo prise depuis un taxi de Bombay ; Carl de Keyzer saisit quant à lui l’esprit du Cuba communiste : « La fin de l’idéologie, une nation fatiguée en attente de quelque chose de nouveau ».
Certaines œuvres deviennent emblématiques de la pratique du photographe : « Burri dépasse le cadre des évènements particuliers pour pénétrer au cœur de la vie humaine. Il a beau avoir voyagé sur tous les lieux de conflits du monde, ses clichés ne sont pas violents. Ils montrent la vie moderne, mais ses abus, ses souffrances et ses triomphes sont sublimés dans la notion de condition humaine », écrit Corinne Diserend, biographe de René Burri. Le portfolio ci-dessus est une courte sélection des photos exposées dans le métro parisien.
Laura Halvin
Laura Halvin est éditrice numérique en chef chez Magnum Photos, à Londres, au Royaume Uni.
Magnum dans le Métro de Paris
Du 28 février au 30 juin 2017
Dans les couloirs et les halls de 11 stations du métro de Paris
Paris, France