À Bruxelles, un atelier donne de la profondeur à la photographie. Crée en 2015, l’Atelier Relief collabore avec des photographes et des architectes pour créer des tableaux-photographiques en trois dimensions, où l’image prend de la profondeur, du relief, de la matérialité comme du volume. Visite dans le quartier bruxellois d’Ixelles, dans la maison de création et production de l’Atelier.
L’Atelier Relief a été créé en 2015. Il est le fruit d’une initiative personnelle lentement concrétisée, d’une réflexion longue de dix ans, d’entretiens, de rencontres. Revenons dix ans plus tôt. À Montréal, Farid Issa, futur fondateur de l’Atelier Relief, décore le haut de sa cheminée. Il a devant les yeux un tirage, se met à le découper, déstructure l’image puis la monte sur un système à pieds. L’idée simple à réaliser donne résultat merveilleux. Dix années passent. Dans ce laps de temps, Farid Issa quitte son travail, reprend des études de lettres à Lausanne et discute d’une idée avec des photographes. Cette idée germe peu à peu avant d’éclore à Bruxelles par hasard. Les loyers y sont abordables, la scène artistique, notamment photographique, foisonnante.
En près de trois ans, l’Atelier Relief a matérialisé environ 150 à 200 œuvres. De nombreux photographes et artistes se sont liés à la maison. Dernièrement, ce furent le portraitiste autrichien David Uzochukwu ou le flamand Karel Fonteyne. La mise en relief de la photographe est quasiment illimitée. Qu’elle soit architecturale, de mode, photojournalistique, portraitiste, la photographie peut se démembrer puis se remonter différemment. Les découpes sont d’abord préparées sur Sketchup, logiciel la conception d’objets en 3D, avant que l’équipe de production n’utilise une CNC (Machine-outil dotée d’une commande numérique), un laser ou la découpe au jet d’eau. Peu importe que le tirage soit monté sur du bois, du métal, du papier, du plastique, rien ne résiste longtemps. Vient pour finir le long travail de montage de l’image sur des pieds, sorte de petits piloris en bois ou acier, qui donne sa matérialité au cliché.
L’œuvre Triple Turn de Dirk Bakker fournit un riche exemple. Le photographe amsterdamois s’intéresse aux architectures contemporaines, aux barres d’immeubles surgissant dans des ciels purs, à leur brutalité bétonnée. Dans ce cas de figure, la mise en relief de jouer avec le réel supposé de l’image. Les deux tours se distordent, s’enlacent elles-mêmes, l’image jusqu’alors statique gagne en rythme.
On retrouve une idée similaire avec la photographie Hong Kong III, d’Olivier Truyman. L’immeuble surchargé, pris de plein pied, est comme brisé par la fracture imaginée par l’Atelier. Jusqu’à alors immersive, et puissante, le cliché est bombé et la scission laisse penser que l’immeuble va s’écrouler. Il y a une charge humoristique autant que dramatique dans la matérialisation de cette image.
Des mots de Farid Issa, la mission première de l’Atelier Relief est de « redonner à l’image son relief inhérent. » The 12th Box de Karel Fonteyne est l’œuvre tout trouvée. La découpe et la matérialisation de l’Atelier Relief ouvrent certains éléments – les cubes – sur un fond d’or. La mise en profondeur renforce l’énigme de l’image, l’ouvrant au surréalisme tout en jouant avec les espaces et les volumes capturés par le photographe.
Pour le Photo Brussels Festival, la maison propose sa dernière exposition, Portrait. L’exposition montre les dernières réalisations de l’Atelier Relief. L’Atelier sera prochainement à la foire MIA Milan avant, peut-être, « d’élever la photographie » dans d’autres pays du globe.
Arthur Dayras
Arthur Dayras est un auteur spécialisé en photographie qui vit et travaille à Paris.