La 52ème édition de la Foire à la Photo de Bièvres, organisée par le Photo-club de Paris Val-de-Bièvre, avec le concours de la Mairie de Bièvres et du Conseil Général de l’Essonne, cette manifestation se tiendra le 6 et 7 juin 2015 à Bièvres dans l’Essonne. C’est un rendez-vous incontournable des professionnels et amateurs de l’image qu’ils soient photographes, collectionneurs, chineurs, graphistes, illustrateurs, éditorialistes, ou tout simplement passionnés. Jean-Claude Gautrand nous livre un formidable texte retrançant son historique.
Dans le désert des années 60, face au désintérêt de l’Etat et alors que salons nationaux, internationaux et galeries ferment leurs portes, des initiatives privées naissent pour promouvoir la place de la photographie dans le champ culturel occupé alors essentiellement par les reporters et amateurs. Les premiers ne se préoccupent guère alors de l’aspect esthétique et culturel de leur activité qui, pour la majorité, n’est qu’un moyen de subsistance. Face à eux, l’univers des photos-clubs envahit l’espace. Peu d’entre eux s’interrogent sur le passé et le devenir de la photographie qui, pour la majorité, n’est qu’un loisir destiné à réaliser de « belles » images. D’où le conformisme, la vision stéréotypée de beaucoup d’entre elles.
Quelques clubs échappent à cette règle. Les deux principaux sont alors le « Photo Ciné Club du Val de Bièvres » et le « Club Photographique de Paris, les 30X40 ». Deux clubs antagonistes dans leur fonctionnement comme dans leurs buts. Le premier affichant clairement son souci de s’attacher avant tout à perfectionner les techniques de ses adhérents leur permettant d’obtenir ces belles images. Le second, plus intéressé par le côté artistique prône, quant à lui, une politique d’auteur. Tous deux vont agir dans des domaines différents.
Dans les années 60, pour pallier l’inexistence de structures officielles va naître à Bièvres l’idée de créer d’une part un Musée de la Photo et d’autre part une Foire à la Photo. Le premier pour répondre à la passion pour la technique et à la belle collection de vieux appareils rassemblés par Jean Fage son fondateur. Un premier mini-musée sera ouvert dans les locaux de la mairie en 1964. La même année sera inaugurée la première Foire à la Photo, manifestation qui se veut particulièrement populaire et festive.
Si le Photo Ciné Club de Bièvres poursuit actuellement ses activités à Paris où se situe son siège, c’est surtout par ses deux réalisations banlieusardes qu’il figure actuellement dans l’actualité. Le Musée s’est installé en 1974 dans des locaux plus grands mais toujours insuffisants en surface et a, depuis, défrayé la chronique. Successeur de Jean Fage, décédé en 1991, son fils André fera don de l’ensemble de la collection au Conseil général de l’Essonne en 1986 à la seule condition qu’un musée spécifique soit érigé dans la commune de Bièvres. De tergiversation en tergiversation, le Conseil général va décider unilatéralement, en 2009, de délocaliser le musée à Etioles à quelques kilomètres de là. Décision qui sera annulée par le tribunal administratif de Versailles en 2013. L’actuel musée va donc bénéficier d’un agrandissement de son site actuel qui risque d’être toujours aussi exigüe et inadapté aux exigences muséographiques. Sa réouverture est prévue en 2016.
Mais c’est surtout par la création en 1964, de la Foire à la Photo que Bièvres va drainer une foule hétéroclite de passionnés, de curieux qui déambulent au gré des stands installés dans un cadre bucolique. Sur deux hectares, quelques 300 exposants proposent aux visiteurs, vieux et moins vieux appareils, livres, photographies et documents de toute sorte. A l’opposé des Rencontres d’Arles nées en 1970, la Foire à la Photo reste le pendant populaire, bon enfant que tous ceux qui s’intéressent à la photographie d’une autre façon. Certes la fréquentation actuelle n’est plus aujourd’hui celle des années 70-80, elle continue cependant à faire de Bièvres l’une des trois grandes foires européennes. Si le moteur initial de celle-ci reste avant tout le marché de l’occasion et des antiquités, la formule a subi, l’an dernier, une sérieuse modification destinée à donner une nouvelle vitalité et à renouveler le sens de la manifestation. Pour favoriser le dialogue entre amateurs et professionnels, la programmation culturelle a évolué. Outre les stands où exposent les photographes, une carte blanche est désormais offerte à un photographe invité à exposer une part importante de son œuvre.
Après Patrick Bard l’année dernière, c’est Jane Evelyn Atwood qui est l’invitée de l’édition 2015. Photographe particulièrement concernée, elle a multiplié, depuis prés de 35 ans, les projets photographiques en se plaçant souvent aux frontières de l’interdit, pour réaliser ses essais en profondeur sur l’intimité de ses sujets. Ses séries sur Haïti, à l’écart de l’imagerie habituelle, sur les mines anti personnelles ou sur les prisons de femmes sont dans la ligne droite des essais d’Eugène Smith. Une vision sévère du monde qui ouvre nos yeux sur des problèmes jusque là peu explorés. Avec cette exposition, accompagnée d’un entretien-débat avec Sylvie Hugues, bon nombre d’amateurs, de flâneurs de ce week-end vont découvrir une photographie bien différente de ce qui lui est habituellement présenté sur les stands de cette foire bon enfant. Ils pourront même agrémenter leur déambulation pat la possibilité de se faire « tirer le portrait » gratuitement au « studio éphémère ».