5 février 1962. Les lecteurs britanniques du Sunday Times découvrent une nouveauté dans leur journal du weekend, un magazine couleur dont la couverture – une grille de photos de mode de Jean Shrimpton réalisée par un David Bailey alors âgé de 25 ans – promet « un point de vue affûté sur l’humeur de l’Angleterre et une nouvelle histoire de James Bond par Ian Fleming ».
D’abord intitulé The Sunday Times Colour Section, le magazine apparaît à un tournant crucial de l’histoire culturelle de l’Angleterre et devient à la fois un stimulant et un miroir pour un pays qui émerge finalement de ses années grises et austères de l’après-guerre. L’arrivée de la couleur dans un journal d’importance nationale peut être lue comme une métaphore appropriée pour caractériser le nouvel optimisme qui caractérise le milieu des années 60.
Le magazine voit rapidement se multiplier les imitateurs, mais reste constamment à la pointe dans son domaine par la qualité inégalable de ses photo-reportages. Ceux-ci couvrent à la fois les questions domestiques et internationales dans un mélange éditorial qui embrasse des thèmes comme l’art, la mode, ou le mode de vie, tout en proposant des couvertures sans concession des conflits, des désastres et des sujets sociaux difficiles. Le format du magazine autorise des traitements extensifs et en profondeur de thèmes qui ne pourraient recevoir la même attention d’un point de vue visuel ou analytique à l’intérieur du journal.
Le magazine fournit une opportunité extraordinaire pour toute une génération de photographes. Ceux-ci comprennent des talents tels que Eve Arnold, John Bulmer, Philip Jones Griffiths, David Montgomery, Terry O’Neill, Lord Snowdon, et, peut-être le plus important de tous, Don McCullin, dont les images déchirantes de sujets tels que le conflit civil en Irlande du Nord, la famine au Biafra et la guerre du Vietnam s’avèrent si influentes pour attirer l’attention du public sur la brutalité et la souffrance détruisant tant de vies à travers le monde.
Dans les années 60 et par la suite, même si ce n’est plus le cas aujourd’hui, le magazine est l’interface-clé entre les photographes et leur public ; les éditeurs courageux sont alors les patrons de cette structure, ouvrant des possibilités extraordinaires à un large spectre de photographes talentueux.
Il est peut-être difficile pour une génération plus jeune, habituée à la diversité et à l’immédiateté des médias électroniques d’apprécier exactement ce qu’un outil de communication aussi puissant qu’un magazine pouvait être alors. Pour ma part, je me rappelle très bien quelle fenêtre précieuse sur le monde je trouvais entre ses pages. Le savoir que j’accumulais à travers les photographies publiées dans ce magazine et ses rivaux m’offrait une base pour comprendre beaucoup d’aspects de l’histoire et de la culture de cette époque. Le Sunday Times mérite d’être salué pour avoir créé une vitrine aussi influente pour la grande photographie. Joyeux anniversaire !`
Philippe Garner
The Sunday Times Magazine, 50e anniversaire
Jusqu’au 19 février 2012
Saatchi Gallery
Duke of York’s HQ King’s Road
London SW3 4RY
Royaume-Uni
020 7811 3081