Cette image est extraite du troisième livre de Michel Setboun et Marie Cousin sur les agences. Le livre est intitulé 40 ans de photojournalisme, génération agences. 80 photoreporters ont choisi et commentent une image emblématique de leur parcours. L’image que nous publions aujourd’hui est une photographie réalisée par Yann Arthus-Bertrand. Toutes les semaines, nous feuilletterons cet ouvrage en publiant une image, sa légende et son texte.
« Je suis un fou d’animaux et de nature. À 30 ans, je veux devenir scientifique et obtenir un doctorat. Mon directeur de thèse m’autorise à le passer en la basant sur la photographie. Avec ma femme Anne, nous partons tous les deux réaliser une étude sur le comportement d’une famille de lions, au Kenya. Pendant trois ans, nous les suivons quotidiennement. Pour gagner ma vie en parallèle de la photographie, je suis pilote de montgolfière et découvre, à cette occasion, la photographie aérienne. C’est une toute nouvelle façon de diriger mon regard : je survole, avec les touristes que j’emmène, ce même endroit que je scrute tous les jours depuis ma voiture. Tout ce que je sais de ce métier aujourd’hui, je le dois aux lions : ils m’apprennent la patience et rendent la beauté évidente. Grâce à eux, je commence à saisir “l’instant décisif ”. À force d’observer ces animaux, je m’aperçois que la photographie dispose de ses propres codes et d’un langage différents de l’écriture. Le reportage de terrain est mon école. À cette époque, je travaille en Kodachrome. Il n’y a pas de mise au point automatique et nous avons beaucoup de mal à travailler avec nos pellicules dont la sensibilité était inférieure de 64 ASA. Je vois les films six mois ou un an après la prise de vue. J’aime ce décalage entre l’instant où je prends une photo et le moment où je la découvre. Pendant la saison des pluies, je rentre en France et nous en profitons pour développer nos films et faire le tri. À mon retour, je suis vite publié. Cette photo, prise en 1978, est en dernière page du magazine Life. Je fais alors partie de cette bande de photographes très indépendants, des photographes “à la Geo” comme Pascal Maitre, Philip Plisson ou Sebastião Salgado. Ce sont les lions et la photographie à l’ancienne qui ont marqué ma vie professionnelle. »
Propos receuillis par Maxime Vatteble
