Cette image est extraite du troisième livre de Michel Setboun et Marie Cousin sur les agences. Le livre est intitulé 40 ans de photojournalisme, génération agences. Quatre-vingts photoreporters ont choisi et commentent une image emblématique de leur parcours. L’image que nous publions aujourd’hui est une photographie réalisée par Mat Jacob.
Je prends ce cliché le 1er ou le 2 janvier 2002 à Khan Younès, une ville palestinienne située au sud de la bande de Gaza, juste en face de l’ancienne colonie israélienne de Gush Katif. Les affrontements sont quotidiens lors de cette seconde Intifada. Dans mon dos se trouve un mur absolument gigantesque conçu pour limiter les jets de pierre et couper l’accès à la mer aux Palestiniens. Nous sommes au lendemain des festivités du Nouvel An, dans un temps de trêve. Ces deux Palestiniens discutent paisiblement dans les ruines, en plein après-midi. Ils n’ont pas l’air inquiets. C’est le off de la guerre : les gens continuent à discuter, à s’aimer, à vivre le quotidien.
Je ne suis pas là pour rendre compte d’une actualité : je ne reste que deux jours. Je suis un groupe de militants en tant que photographe, dans la continuité d’un sujet sur les mouvements altermondialistes, entamé en 1995 lors de la rébellion zapatiste au Chiapas. Cette photo a ensuite fait partie d’une œuvre collective initiée par Tendance Floue et intitulée Nous n’irons plus aux paradis. Les nouvelles formes d’activisme politique sont un thème important pour moi. Mais cette photo peut être aussi comprise au-delà du seul contexte israélo-palestinien. Lorsqu’elle est exposée et incluse dans des projets éditoriaux de Tendance Floue, il n’y a aucune légende. Nous aimons décontextualiser les images pour raconter d’autres récits, pour remettre en scène le monde et le questionner. Cet événement existe par lui-même, il se passe sur Terre. Voilà ce qu’il faut lire. Le contraste entre l’aspect paisible du sujet et la violence des ruines est une métaphore du monde actuel. Je ne m’intéresse pas particulièrement à la politique en tant que telle, mais j’ai conscience que tout est politique. Peut-être que, dans une vie de photographe, nous n’avons finalement qu’un seul sujet qui nous retourne, nous bouleverse et nous emporte.
LIVRE
40 ans de photojournalisme, Génération agences
par Michel Setboun et Marie Cousin
Editions de la Martinière
250 x 285 mm
240 pages
9782732464022
39 €
http://www.editionsdelamartiniere.fr
