Le Prix HSBC pour la Photographie de l’année passée a été remporté par deux jeunes femmes photographes, la première Akiko Takizawa est née au Japon et vit à Londres, la seconde Delphine Burtin est de nationalité suisse. La sélection des douze dossiers, en lice pour le prix, a été réalisée avec le conseiller artistique Simon Baker, Conservateur pour la Photographie et l’Art International à la Tate Modern de Londres. Nous avons interrogé les deux lauréates sur leur expérience un an et demi après leur nomination. Ceci est notre dernier épisode consacré aux 20 ans du Prix, avant l’interview des deux photographes lauréats 2015, Maia Flore et Guillaume Martial prochainement.
L’Oeil de la Photographie : Le prix HSBC pour la Photographie fête ses 20 ans. Il est remis chaque année à deux artistes pour les aider à développer un projet et fait l’objet d’une exposition et d’une monographie, souvent la première. Comment avez-vous vécu cette expérience?
Akiko Takizawa : Pour moi, le Prix HSBC a été le moment le plus marquant de ma carrière. L’expérience entière a été incroyable. J’ai l’impression que le fait d’être tout de suite présentée à la presse pour réaliser plusieurs interviews dès la cérémonie de remise du prix est une manière très efficace d’entrer dans ce processus, car cela vous fait apprécier l’honneur de recevoir ce prix. Le Prix HSBC n’est pas juste un événement ou un prix où l’on reçoit de l’argent mais c’est un processus qui assiste pleinement le développement du lauréat en tant qu’artiste. A travers les expositions, le livre et les interviews, j’ai découvert à chaque fois quelque chose de nouveau sur moi-mêmet. La pression pour gérer l’exposition itinérante était immense. Dès qu’une exposition débute, vous parlez déjà de la prochaine et, en parallèle, vous travaillez aussi sur la monographie avec Actes Sud.
En y repensant, j’ai l’impression que chaque aspect du processus a été précieux pour goûter ce que c’est qu’être une artiste à plein temps. D’une certaine manière, j’ai l’impression que le Prix HSBC est un programme qui forme le lauréat pour qu’il devienne un artiste professionnel.
LODLP : Pouvez vous nous parler du projet que vous avez présenté? Quel impact le prix a-t-il eu sur votre vie artistique?
AT : Les photographies décrivent des âmes éphémères errant et disparaissant dans la lumière vacillante et l’obscurité d’une nuit de blizzard, dans l’air lourd du début du printemps. En utilisant l’impression phototypique, une technique qui a été inventée en France il y a 150 ans, la vie et le temps luisent dans ces images noir carbone. Les œuvres présentées ont été principalement sélectionnées à partir de photographies que j’ai prises au cours des 10 dernières années au Japon. Elles rassemblent des images de la maison de mes grands-parents qui était sur le point d’être démolie, et de gens rendant visite à un shaman aveugle dans l’espoir d’entrer en contact avec des êtres chers disparus. Le thème questionne notre existence, où nous allons en ces durs temps modernes où nous vivons. Le titre de la monographie « Where we belong » résume ces thèmes.
Le prix a eu un impact énorme sur ma carrière, de la plus positive des manières. Le matin après la cérémonie de remise du prix, j’ai été contactée par le propriétaire d’une galerie new-yorkaise et des marchands d’art. Le prix m’a vraiment valorisée et cela a eu un effet positif sur la vente de mes œuvres. La publication de la monographie a également attiré un plus vaste public.
Avant, je me sentais comme un jumbo jet sur la piste de décollage, ne sachant pas comment décoller. Et le prix m’a donné la confiance de croire en moi – je peux voler plus haut que je ne l’avais jamais imaginé et je peux aller là où je veux !
LODLP : Comment HSBC vous a-t-elle accompagnée tout au long de cette aventure? et aujourd’hui, quels sont vos rapports?
AT : Ils m’ont soutenue à plus de 100%. Ils ont vraiment été dans la communication et très accessibles durant tout le processus. Ils m’ont mise à l’aise et m’ont assuré de leur soutien constant. Malgré mon incapacité à parler français, toute l’équipe s’est toujours assurée de m’inclure dans les conversations. Ce fut génial de découvrir la culture française à travers ces interactions. Ma relation avec l’équipe s’est renforcée au cours de l’année, et je suis sûre que nous resterons en contact, ils m’invitent toujours aux événements. Je comprends maintenant pourquoi tant des lauréats précédents sont venus et ont soutenu mes expositions et celles de Delphine Burtin. L’équipe du Prix HSBC et les jurés nous traitent toujours avec chaleur et ouverture d’esprit.
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“Cette étonnante série de photographies évoque le retour de l’artiste dans la maison de ses grands-parents, située dans les régions éloignées du nord du Japon, et la mort de son grand-père. Au-delà de cette histoire personnelle et du fait que la plupart des images représentent sa famille et la maison dans laquelle ils vivaient, ce travail doit être apprécié pour sa sensibilité visuelle incroyable. Dans la tradition de Issei Suda, Eikoh Hosoe et Daido Moriyama, Takizawa travaille le contraste intense, les noirs profonds et les reliefs éphémères dans des compositions dramatiques et chargées d’émotions. Les œuvres elles-mêmes dans leur format d’origine (et non les copies présentées) sont des phototypies sur papier traditionnel japonais, un procédé photographique extrêmement rare et précieux, produit dans le seul atelier qui ait survécu à Kyoto. Le travail de Takizawa est donc exceptionnel par son caractère à la fois physique et esthétique ; il pérennise l’honorable tradition japonaise de la photographie en noir et blanc depuis la Seconde Guerre mondiale. Takizawa est une artiste majeure et passionnante qui allie les procédés traditionnels aux idées contemporaines.”
Simon Baker, Conseiller Artistique 2014
LIVRE
Akiko Takizawa
Where we belong
Actes Sud Beaux Arts / Prix HSBC pour la photographie
Septembre, 2014
22,0 x 28,0cm
100 pages
ISBN 978-2-330-03220-3
20,00€
http://prixhsbc.evenium.com
http://www.actes-sud.fr
http://akikotakizawa.com