A Londres, une sélection de portraits contemporains questionne notre relation à l’image.
Un air résigné, un regard inquisiteur et une posture sévère. C’est sans doute cette tension, ce contraste et effet de bascule entre le visage adolescent et l’uniforme solennel, qui frappe et interroge. Voici le portrait du jeune sud-africain Thembinkosi Fanwell Ngwenya, photographié par Claudio Rasano, et grand gagnant du Taylor Wessing Photographic Portrait Prize 2016.
Présenté devant un fond blanc, le visage de Thembinkosi se fait relique de son individualité. Son regard nous interpelle, nous défie aussi. Cependant, l’uniforme fait barrage et le retient, nous aussi, en arrière. Seule la tête émerge de l’imposant costume, produisant une cassure, un désaxement avec le reste du corps. La lourdeur du tissu se répand le long de l’image et questionne la capacité de l’individu à s’extraire d’une normalité étouffante.
Pour la seizième édition du Taylor Wessing Photographic Portrait Prize, l’accent porte sur la diversité des techniques et formes de la photographie contemporaine. Sur un total de 4303 images et 1842 photographes, les juges en ont choisi 57, dans l’intention de rendre compte des formes plurielles de la représentation d’autrui. Aussi, le visiteur a la possibilité de découvrir une magnifique sélection de portraits questionnant à la fois la thématique de ce “genre” en photographie, son processus de fabrication et son interprétation.
Le sublime portrait de Thea et Maxwell par la New Yorkaise Joni Sternbach, second prix de cette exposition, est un ferrotype. L’aspect cuivré, presque délavé, de cette photographie transforme ce couple de surfeurs contemporains en figures totémiques et souligne notre rapport émotionnel et quasi fétichiste à l’archive. Les portraits de la famille Beitar Illit par Kovi Konowiecki, troisième prix, flirtent entre les délicates notions de modernité et tradition. Photographiés numériquement et présentés en diptyque, ces sobres portraits offrent un aperçu énigmatique de la communauté juive-orthodoxe des Etats-Unis.
L’exposition est accompagnée d’une section ‘In Focus’, présentant le travail inédit de la photographe Cristina De Middel. Gentlemen’s Club a pour thématique la clientèle masculine de la prostitution au Brésil. A travers quatre portraits masculins, la photographe espagnole se penche sur le dialogue des genres et sur celui, tout aussi complexe, de la relation photographe/photographié.
L’introduction à l’exposition de Nicholas Cullinan, Directeur de la National Portrait Gallery, rend compte de l’ambition du projet. Le Taylor Wessing Photographic Portrait Prize se souhaite global. Un total de 61 différentes nationalités a pris part au concours. Bien que l’on se permette de questionner cette portée internationale – une grande majorité des photographes sélectionnés provenant d’universités et hautes écoles anglo-saxonnes – on notera en effet une variété dans le choix des individus, localités et thématiques abordées ainsi qu’un questionnement récurrent à toute forme de portrait : qu’est-ce que l’individualité et comment l’utilisation d’un certain langage visuel participe à sa représentation ?
Julie Bonzon
Julie Bonzon est doctorante en histoire de l’art au University College London (UCL), à Londres.
16e prix du portrait Taylor Wessing
17 Novembre 2016 – 26 Février 2017
National Portrait Gallery
St. Martin’s Pl
London WC2H 0HE
Royaume-Uni