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10 ans du Prix Canon de la femme photojournaliste 1/2

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Au commencement, ce sont 3 femmes : Isabelle Fougère, journaliste, Brigitte Huard, directrice photo et Lizzie Sadin, photoreporter ; elles sont parties du triste constat que le nombre de femmes photojournalistes au début des années 2000 dépassait difficilement les 10%. Ces 3 professionnelles de l’image décident de créer avec l’aide de Canon, un nouveau prix décerné par l’Association des Femmes Journalistes (AFJ) visant à aider financièrement le projet d’une jeune photographe.

10 années sont passées, le Prix Canon de la Femme Photojournaliste rencontre un succès international, ce sont aujourd’hui trois françaises, une britannique, trois américaines, une mexicaine, une polonaise et une italienne qui composent le palmarès de ce prix 100% féminin !

Rencontre avec les 3 créatrices de ce prix.

Pouvez-vous nous raconter comment est né l’idée de créer un prix consacré uniquement aux femmes photojournalistes ?

Isabelle Fougère: Le prix est né d’une rencontre. Lizzie Sadin, Brigitte Huard et moi-même étions à l’Association des Femmes Journalistes, dont j’occupais la présidence. Suite au constat que les femmes représentaient uniquement 11% du métier de photojournaliste, il nous paraissait important d’agir, pour aider les femmes à exercer ce métier.

Brigitte Huard: À l’époque, j’étais directrice de la photo à « Ca m’intéresse », je trouvais que les femmes étaient trop peu présentes ! Il y en avait bien sûr : des photographes très connues, des femmes talentueuses, mais trop peu, et particulièrement en France. L’idée de créer une bourse s’est rapidement imposée à nous, pour donner les moyens financiers à une jeune photographe afin qu’elle puisse avoir du temps pour se consacrer à un projet professionnel.

Lizzie Sadin: Quelque temps auparavant, Guy Bourreau m’avait soutenu pour un projet professionnel, lorsqu’il était en poste chez Kodak, c’est donc très naturellement que je l’ai contacté, alors qu’il était Directeur Marketing de Canon France pour lui proposer de devenir partenaire du Prix. Nous avons donc été lui présenter notre projet, ainsi qu’à Pascal Briard (ndlr : aujourd’hui Directeur Marketing de Canon France), ils nous ont tout de suite apporté leur soutien. Jean-François Leroy a également suivi le projet. C’est ainsi que la première édition a été lancé.

Isabelle Fougère: Un an après, nous remettions notre premier prix, et deux ans après, on présentait la première exposition de la lauréate qui était Magali Delporte. Le Figaro magazine a rejoint les partenaires il y a 5 ans. Les partenaires sont fidèles, très présents, et nous aident énormément.
Nous voulions vraiment prouver que les femmes étaient des photojournalistes comme les autres, Grâce au talent des lauréates : elles ont montré qu’elles pouvaient traiter de tous les sujets et pas forcement d’une manière spécifique féminine, elles ont aussi l’excellence. Aujourd’hui ça paraît presque déplacé de dire ça, parce que c’est devenu une évidence, mais il y a 10 ans ça ne l’était pas forcément. On avait également envie que le prix serve de modèle, que les jeunes femmes qui ont envie d’exercer ce métier se rendent compte que c’est possible et qu’il y ait cette visibilité spécifique pour entraîner des vocations. Ce n’est pas parce que le matériel est lourd, et que le métier peut être dangereux, que les femmes ne peuvent pas le faire. Les femmes font du photojournalisme comme les hommes.

Avez-vous été critiquées lors du lancement du prix ? Les gens l’ont-ils perçu comme de la ségrégation ?

Isabelle Fougère: On a eu des critiques bien sûr, autant de la part des hommes que des femmes. Il y en a certaines que ça mettait mal à l’aise. Mais je les accepte et je les comprends. Nous avions vraiment envie d’agir, même si ca dérangeait beaucoup de gens. Sur 10 ans, on est à 88.000€ de production, grâce à Canon, ça me tient autant à cœur de soutenir le photojournalisme, que les femmes photojournalistes : ça va ensemble.

Brigitte Huard: Au fil des années, le Prix a été de mieux en mieux perçu, et ce en grande partie grâce à la qualité des travaux primés.

Isabelle Fougère: Ce prix a effectivement suscité beaucoup d’interrogations. Mais au final, aujourd’hui, quand les gens parlent du prix, ils parlent avant tout du travail des lauréates, on ne parle plus du fait qu’elle soient des femmes. Mais il faut continuer le prix, ça reste pertinent.

Lizzie Sadin: Ce prix a été créé pour les femmes et on continue d’aider les femmes. Le jour où l’on a plus besoin qu’il existe, le combat sera gagné. On aura réussi notre pari lorsqu’il y aura autant d’hommes que de femmes dans ce métier ! Ce prix pourra alors être ouvert à tous.

Vous considérez-vous comme féministes ?

Isabelle Fougère: Oui, évidemment. Mais le mot féministe pour moi n’a pas la même définition que pour beaucoup, pour moi c’est une question de justice et d’équité. Je suis contre les violences spécifiques faites aux femmes, j’ai envie qu’elles aient accès au métier qu’elles ont envie de faire, avec les mêmes moyens que les hommes. Quand on regarde la réalité sociale en France, en Europe et dans le Monde, je crois qu’il y a encore du travail.

Brigitte Huard: Bien entendu ! Mais pas un féminisme féroce. Je me bats pour que les femmes soient l’égal des hommes. Pour moi, le plus important c’est l’égalité.

Lizzie Sadin: De la même manière, je suis féministe, pour moi c’est être pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes malgré les différences. J’estime que c’est protéger les droits des êtres humains avant tout. Féministe c’est être « droit de l’hommiste ». Je suis pour l’abolition des injustices.

Quel est, 10 ans après, votre vision sur l’évolution de la place de la femme dans le photojournalisme ?

Isabelle Fougère: Je crois qu’en 10 ans, grâce au talent et au travail des photographes qu’on a soutenues, on a montré que les femmes étaient des photojournalistes comme les autres. Aujourd’hui elles ont toute leur place dans ce métier.

Brigitte Huard: Je trouve qu’il y a eu une belle évolution de la place de la femme dans le paysage du photojournalisme. Les femmes ont pris une place de plus en plus importante, et elles sont de plus en plus nombreuses.

Lizzie Sadin: Les mœurs ont évolué : les gens sont moins surpris de voir des femmes sur le terrain qu’il y a 10 ans. Dans les magazines, je suis heureuse de voir de plus en plus de signatures de femme, mais il y en a encore pas assez ! En tant que photoreporter, je ne me suis jamais mise une étiquette de « femme » photographe. Je pense avant tout que je suis photographe avant de penser que je suis une femme.

Quels sont vos plus beaux souvenirs ? Des rencontres avec les lauréates, des sujets qui vous ont plus particulièrement touchés ?

Isabelle Fougère: C’est à chaque fois une rencontre : sur 10 ans, c’est la différence des profils, la variété des caractères, des talents et des regards auquel je pense. Il n’y en a aucune qui ressemble à une autre, tant sur le plan humain que sur le plan professionnel. On n’a pas un prototype de gagnante, ni un prototype de sujets.

Brigitte Huard: J’ai fait beaucoup de belles rencontres bien entendu…. J’ai aimé le travail d’Ami Vitale avec ces images hautes en couleur, et je n’oublierai pas sa grande gentillesse. Sophie Evans m’a étonnée par sa force et son courage, je n’oublierai pas non plus, notre première lauréate Magali Delporte qui avait commencé très fort avec son sujet sur les aveugles sportifs – sujet, qui donne un formidable message d’espoir.

Lizzie Sadin: J’ai beaucoup de respect pour toutes les lauréates du Prix. Mon souvenir le plus fort va sans doute au tout premier prix qu’on a décerné à Magali Delporte. J’ai une certaine tendresse pour ce moment-là et pour elle parce qu’elle a fait du chemin. J’ai l’impression que ca l’a vraiment aidé. Le prix démarrait en remplissant toutes nos espérances.

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