« Je marche en quête de rencontres et d’autres expériences de vie. Le portrait nait d’une intimité fragile et silencieuse qui tente de lutter contre l’oubli. C’est la « cannibalisation » de l’autre, de sa différence et de notre part commune d’humanité. La fusion, l’appropriation, la transfiguration de beauté, de grâce, de dignité, qui nous rend un peu plus semblables. Un peu plus éternels aussi.
Prête-moi ton visage, laisse moi te contempler, t’admirer, te posséder, prendre ton âme pour nous y loger tous, comme les indiens d’Amérique croyaient livrer le fond de leur être à jamais volé par l’optique d’Edward Curtis.
Ce qui commença il y a quelques années, timidement et par accident, est aujourd’hui un style de vie à part entière. Depuis mon atelier de Madrid, puis vers les maisons de la périphérie urbaine et désormais dans un studio ambulant au bord des routes et des chemins secondaires.
J’ai choisi l’individu seul et anonyme, mais membre d’un clan social bien défini, aux racines bien ancrées dans une culture ancestrale. L’individu certain de son identité quand la nôtre devient floue. Personnages issus de tribus éloignées de l’épicentre et du bien être matériel, du bruit de l’uniformité de notre société urbaine. Des visages qui brillent d’une lumière différente et d’une extraordinaire énergie. J’aimerais rompre le silence fait autour d’eux tout en préservant le mystère. Explorer ces marges (ou plutôt ces “ailleurs”), c’est ma façon de reconnaître l’importance du silence construit socialement, mais surtout de rendre hommage à ces “Autres Nous” témoins d’une existence qui leur est aussi propre qu’unique. Détenteurs d’une extraordinaire force vitale. »
Portraits photo et vidéo des derniers mineurs de charbon des Asturies (nord de l’Espagne). Ultimes soubresauts d’une saga de travailleurs, issus du XIXème siècle qui a forgé l’histoire industrielle du pays dans une lutte forcenée pour ses droits sociaux et les conditions du plus noir du travail ouvrier. Immigrée d’Europe centrale ou du Portugal, cette communauté est appelée à disparaître en 2018, suivant la directive du Ministère de l’Industrie espagnol et la fin du « Plan Charbon » de la Communauté Européenne.
Portraits de travailleurs journaliers des grandes cultures d’olive, de vigne et d’arbres fruitiers du «latifundo» ibérique (Extrémadure, Andalousie et Rioja), dans l’héritage du grandes fermes romaines. Ces travailleurs, gitans nomades pour la plupart issus des deux rives du fleuve Guadiana et dont la principale activité ancestrale est l’élevage de chevaux, voyagent en transhumance pendant les campagnes de taille et les récoltes.
Femmes, enfants, adolescents et vieillards assurent, sur le bivouac installé en périphérie des fermes, la survie et l’organisation du clan familial, en compagnie de leurs animaux.
Ce sont les derniers gardiens d’un style de vie très ancien qui survit dans la précarité du travail saisonnier. Des visages empreints d’une expérience de vie aussi rude que digne.
Pierre Gonnord
Pierre Gonnord est représenté par la galerie Juana de Aizpuru, Madrid.
FESTIVAL
(Other) Workers de Pierre Gonnord
Du 3 octobre au 1er novembre 2015
Foto/Industria
Genus Bononiae
Santa Maria della Vita
Via Clavature, 8
Bologne
Italie