La galerie Les Douches, à Paris, expose le travail On the Ground (1989-1994) du photographe Rodolf Hervé jusqu’au 7 mars 2015.
Rodolf Hervé est né le 2 mai 1957 à Paris. A 19 ans, une première exposition significative de ses œuvres est présentée à Paris dans les locaux de l’Olympic Entrepôt. Frédéric Mitterrand y montre ses photographies abstraites. À la fin de ses études, il travaille dans une imprimerie et, à partir de 1975, pour la revue internationale d’architecture Le Carré Bleu. En 1989, lors du centenaire de la construction de la tour Eiffel, sa série de photographies ddu monument est publiée en portfolio. Il quitte Paris en 1990 pour s’installer en Hongrie. La même année, une exposition individuelle a lieu au musée Vasarely. Il devient l’un des personnages marquants de l’underground hongrois. En 1991, il est membre fondateur du groupe d’action Nulladik kilometer (kilomètre zéro).
Ses vidéos, d’une grande valeur documentaire, sont avant tout des œuvres témoignant de leur époque avec à la fois une sincérité crue et une sensibilité touchante. L’utilisation parallèle de l’ordinateur et du magnétophone l’occupait déjà au début des années 90. Son oeuvre graphique est aussi très significative : il crée de nombreuses affiches (exposition parisienne de Burle Marx, exposition Mail Art Internationale au Musée Kassak de Budapest, Radio Tilos), ainsi que de nombreuses pochettes de cassettes. Un calendrier illustré avec ses œuvres graphiques, comportant un avant-propos du Dr Laszlo Beke, est édité en 1993. Ses photographies et ses écrits sont publiés dans de nombreux périodiques (Arnyekkötok, Laza lapok, Magyar Muhely, Foto, Fotomuveszet, Nagyvilag). Au-delà de son activité artistique, il jouait périodiquement dans des groupes ethno, ainsi que dans des groupes de rock et de jazz. Il décède après une longue maladie, le 13 octobre 2000.
Rodolf Hervé a vécu au début des années 1990 là où il se devait de vivre, à Budapest, dans un monde où les repères avaient volé en éclats après la chute du communisme. Tout était à inventer, tout était en devenir. Ce qu’il en est advenu depuis est malheureusement une autre histoire !
Rodolf Hervé a toujours tout fait voler en éclats, mais à Paris en ces années-là, le monde était alors déjà tristement figé et matérialiste. Et c’est à Budapest qu’il s’est senti le plus libre.
On ressent dans toutes ses photos — et ici je voudrais plutôt employer le mot “image” comme on parle d’images pieuses, même s’il s’agirait alors d’images impies — un sens de la fête même si le désespoir n’est jamais très loin. Il faut regarder ces photos en se rappelant qu’à l’époque, nous n’avions pas sous les yeux celles d’un Martin Parr ou d’un Antoine d’Agata. Elles surgissent bien plus qu’elles n’apparaissent. Elles sont le révélateur d’un météore qui n’a jamais pu se fixer. Rodolf aimait Lautréamont même s’il me fait plutôt penser à Rimbaud, et je relis chacune de ces images comme on lit un poème. Elles ne s’arrêtent jamais à la surface des choses mais sont corrosives et brûlantes. Et festives et drôles. Tout cela est grave, mais pas sérieux. Rodolf Hervé savait d’où il venait en ce sens qu’il avait une culture immense. Il était fils d’Auschwitz, fils du communisme et fils de l’Art. Mais en même temps, Rodolf savait qu’il n’allait nulle part, et il y est allé vite. Très vite. Trop vite. C’est ce jaillissement et cette incandescence qui nous reste. Et qui demeure.
Olivier Beer
EXPOSITION
On the Ground (1989-1994), de Rodolf Hervé
Jusqu’au 7 mars 2015
Les Douches La Galerie
5, rue Legouvé
75010 Paris